PHILOSOPHIE - SOCIOLOGIE - ANTHROPOLOGIE - IDÉES

berenice gagne
Anthropocene 2050
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57 min readAug 27, 2023

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LECTURES ANTHROPOCÈNES #2019-2023

« Ophelia » © Raquel Aparicio

COLLECTIF, Relions-nous ! La Constitution des liens — L’an 01 (Les Liens qui Libèrent, 2021).

« Nous vivons une vraie crise de la représentation et donc une vraie crise politique. Nous continuons à interpréter le monde selon des concepts dépassés, un peu comme ces étoiles dont nous admirons l’éclat alors qu’elles sont éteintes depuis bien longtemps… Aujourd’hui, le cœur des savoirs n’est plus la séparabilité, mais à l’inverse, les liens, les interdépendances, les cohabitations ».

Frédérique AIT-TOUATI, Emanuele COCCIA, Le cri de Gaïa. Penser la Terre avec Bruno Latour (La Découverte, 2021).

« L’hypothèse Gaïa de Lovelock et Margulis représente l’effort pour reconnaître que la Terre est un sujet qui agit et intervient avec force dans notre histoire. Nous sommes moins sur la Terre que face à elle. La question écologique est moins celle du respect du vivant que celle de l’acceptation et de la représentation de l’actrice politique par excellence: notre planète. Reconnaître sa puissance d’agir signifie faire coïncider la protagoniste de l’histoire de la vie avec sa scène. Autour de ce défi, des spécialistes de différentes disciplines scientifiques et artistiques se sont réunis. Chacun des auteurs raconte sa rencontre avec une des propositions contenues dans Face à Gaïa, comment elle l’a interrogé, bouleversé, voire contrarié ».

Catherine ALBERTINI, Résistances des femmes à l’Androcapitalocène. Le nécessaire écoféminisme (M éditeur, 2021).

« Puisque les femmes n’ont pas joué un rôle important dans l’«Anthropocène» en raison de leur absence de pouvoir de décision économique, politique et social, Catherine Albertini conteste ce concept au profit de celui d’Andro­capitalocène, soit l’ère du capitalisme patriarcal, afin d’apporter un éclairage nouveau sur le rôle des femmes, notamment des écoféministes, dans l’organisation des luttes pour combattre la catastrophe écologique ».

Mohamed AMER MEZIANE, Au bord des mondes. Vers une anthropologie métaphysique (Éditions Vues de l’Esprit, 2023).

« Il ne suffit pas d’attribuer une âme aux plantes et aux animaux pour soigner les ravages de l’extractivisme. Encore faut-il élargir le spectre des non-humains au-delà du visible. Dragons et êtres souterrains, lieux des rêves ou réalités ultimes tiennent une place centrale dans les traditions vivantes qui peuplent cette terre. Pour vraiment les écouter, il est temps de rompre avec toute une série de présupposés qui encombrent l’anthropologie, à commencer par l’idée que les « indigènes » demeureraient inconscients des structures qui régissent leur vie collective. Afin de mettre en œuvre une « décolonisation des savoirs », ce livre invite à assumer la part métaphysique de la pensée et du réel. Seul un contact philosophique avec l’invisible, une pensée de ce qui se trouve au bord des mondes, permettra une double critique féconde — aussi bien des limites de la modernité que des traditionalismes qui s’exercent au nom de Dieu. Et s’il fallait à nouveau visiter le ciel pour réhabiliter la terre ? Cet essai propose une perspective novatrice qui bouleverse les lieux communs de la pensée écologique et des sciences sociales ».

Mohamad AMER MEZIANE, Des empires sous la terre. Histoire écologique et raciale de la sécularisation (La Découverte, 2021).

Une approche inattendue de l’Anthropocène et une autre histoire de la sécularisation « dans laquelle la proclamation d’un monde sans Dieu est le fruit d’une « impérialité » hantant l’Europe et ses colonies depuis l’échec de la réunification de l’Empire chrétien par Charles Quint. En l’absence d’un Royaume de l’au-delà, la Terre devient le seul monde « sacré », et l’exploitation de ses sols et sous-sols la source unique de la légitimité de l’Empire. Aiguisée par les rivalités interimpériales, la ruée sur les biens terrestres s’est peu à peu muée en destruction de l’écosystème global ». Le philosophe fait ainsi « remonter la crise climatique à ce surgissement impérial-séculier » qu’il qualifie de « Sécularocène ». « C’est la critique du Ciel qui a bouleversé la Terre ».

Fahim AMIR, Révoltes animales (éditions divergences, 2022).

« Ni plus ni moins que nous, les animaux sont sujets de l’exploitation capitaliste, et développent leurs propres façons d’y résister. Des porcs récalcitrants sont aux origines de l’usine moderne. Les termites créent des sociétés communistes. Ainsi s’esquissent les contours d’une vision politique ensauvagée, mêlant humains et animaux dans un horizon partagé. Les bêtes renvoient l’humanité à sa part incarnée, nous reconnectent avec les sources vives de la révolte ».

Günther ANDERS, Le Rêve des machines (Editions Allia, 2022). Traduction par Benoît Reverte.

Un texte qui rassemble 2 lettres adressées à Francis Gary Powers, un pilote américain arrêté en mission en URSS en pleine Guerre froide. Le philosophe y « dénonce la toute-puissance de la technique et le monde des machines, produit d’un capitalisme qui annihile notre humanité ».

Iwan ASNAWI, L’esprit de la jungle (PUF, 2019).

« Iwan Asnawi est guérisseur. Il a grandi au cœur de la prodigieuse jungle indonésienne, sur un territoire aujourd’hui dévasté par les plantations de palmiers à huile, et devenu socialement le plus dangereux du pays. Par son histoire, il est le témoin des conséquences écologiques, culturelles et sociales désastreuses de la déforestation massive imposée par la dictature militaire. Au fil de ce récit, Iwan Asnawi rend hommage au peuple indonésien, à ses traditions, ses clans, ses souffrances, et à son syncrétisme spirituel parfois si déroutant pour les Européens ».

Serge AUDIER, La cité écologique. Pour un éco-républicanisme (La découverte, 2020).

Un essai à contre-courant dans lequel le philosophe appelle à réinventer nos grands idéaux de liberté, d’égalité et de solidarité pour affronter collectivement la crise écologique. L’enjeu est de créer une cité écologique, de proposer ainsi une vision et un récit communs, l’éco-républicanisme, capables d’inspirer une politique de solidarité élargie avec la Terre. « Contre l’immense majorité des penseurs contemporains de l’écologie, prêts jeter aux orties l’héritage de la Renaissance et des Lumières, que notre tradition politique républicaine offre de précieuses ressources pour affronter les problématiques environnementales » (philosophie magazine, 13/10/2020).

Serge AUDIER, L’Âge productiviste. Hégémonie prométhéenne, brèches et alternatives écologiques (La Découverte, 2019).

Au travers d’un vaste panorama d’histoire des idées, le philosophe Serge Audier propose une généalogie de la pensée écologique. Il montre que c’est au début du XIXe siècle que se dessinent pour la première fois les enjeux de la « cause environnementale ».

Babette BABICH, Günther Anders’ Philosophy of Technology. From Phenomenology to Critical Theory (Bloomsbury, 2021).

Une exploration de l’œuvre du philosophe allemand qui « prédit la prévalence des médias sociaux, la surveillance omniprésente et le tournant vers le big data. L’œuvre d’Anders a également exploré les technologies de l’énergie nucléaire et les préoccupations biotechnologiques relatives à la condition humaine et transhumaine ».

Éric BARATAY (dir.), L’animal désanthropisé. Interroger et redéfinir les concepts (Éd. de la Sorbonne, 2021).

« Depuis longtemps, nous interrogeons les animaux avec des concepts définis du point de vue humain. Cela nous a fait confondre les versions humaines de l’intelligence, du langage, des émotions, etc., avec la définition générale de ces capacités. Cela nous a amené à conclure que les animaux ne possédaient pas ces capacités ou qu’ils n’en possédaient que des versions dégradées. Voilà pourquoi il faut sortir les concepts de leurs versions humaines — soit les désanthropiser — pour les redéfinir d’une manière plus adaptée aux animaux, afin de les observer et de les interroger — avec eux, pas contre eux ».

Jean-Hugues BARTHELEMY, Ego Alter. Dialogues pour l’avenir de la Terre (Editions Matériologiques, 2021).

Un dialogue entre une scientifique et un philosophe qui vise à décentrer l’espèce humaine, notamment pour remédier à la catastrophe écologique en cours. Le directeur du Centre international des études simondoniennes aborde les thèmes majeurs de notre époque : « les religions et la naïveté de l’anthropocentrisme ; la nature à la fois inattendue et incontournable du faire-droit qui devrait fonder les normes juridiques ; la question trop vite oubliée du progrès humain, et sa différence avec le « développement » et la « croissance » ; la notion d’Anthropocène et le problème de sa véritable signification philosophique ; enfin, la question du sens comme question philosophique la plus fondamentale et la plus difficile ».

Gil BARTHOLEYNS, Le hantement du monde. Essai sur le pathocène (Editions Dehors, 2021).

Le Pathocène, une ère de vulnérabilité : l’historien analyse notre monde hanté par la peur de la maladie et submergé par l’émotion face à la perte de l’habitabilité de la planète et à l’érosion de la biodiversité. Il remonte la généalogie des activités générant ce rapport obsessionnel aux maladies et aux émotions : élevage industriel, traite des animaux sauvages, fracturation des habitats naturels etc. et propose des remèdes pour soigner le vivant et cohabiter.

Jérôme BASCHET, Basculements. Mondes émergents, possibles désirables (La Découverte, 2021).

L’auteur préfère la notion de basculements à celle d’effondrement « qui dépolitise les enjeux en postulant une trajectoire unique et comme jouée d’avance ». Les basculements font « place à l’imprévisibilité croissante de notre temps et au rôle central de la mobilisation politique ». L’ouvrage propose plusieurs scénarios et se penche particulièrement sur des « basculements sociétaux et civilisationnels considérables qui nous engageraient vers des manières de vivre échappant aux logiques du système-monde capitaliste ». « Que peut être un agencement de la production qui renonce à la centralité des déterminations économiques ? Que peut être une politique qui privilégie l’autogouvernement populaire et assume une relocalisation communale ? Comment nouer de nouvelles relations aux non-humains qui cessent de nous extraire des interdépendances du vivant sans pour autant dissoudre entièrement la notion d’humanité ? Et par quels chemins faire croître de tels possibles ? »

Bruce BEGOUT, Obsolescence des ruines (Éditions Inculte, 2022).

« Il serait difficile de nier que les ruines occupent une place de plus en plus grande dans l’imaginaire de notre temps. Nous ne parlons pas ici des ruines antiques et gothiques, mais de l’espace délabré des villes contemporaines, comprenant les usines désaffectées, les gares abandonnées, tous les lieux oubliés de la modernité. L’aura noire d’une ville comme Detroit, Pompéi actuelle de la désindustrialisation, nimbe chaque bâtiment délaissé du monde. Après le temps des ruines antiques, puis celui ces ruines modernes, voici l’ère de la ruine instantanée, de la ruine du présent lui-même qui, née de l’urgence et vaincue par elle, ne dure plus, mais s’efface au moment même de son édification ».

Miguel BENASAYAG, Bastien CANY, Les nouvelles figures de l’agir. Penser et s’engager depuis le vivant (La Découverte, 2021).

« Plus qu’une grille de lecture, le devenir complexe du monde désigne de profonds changements matériels dans l’étoffe même de la réalité ». Cet ouvrage entend « battre en brèche le sentiment d’impuissance qui menace à tout moment de nous rattraper » en déplaçant le rôle central que la phénoménologie accorde à la conscience vers les corps pour comprendre quelles seront les nouvelles figures de l’agir.

Bernadette BENSAUDE-VINCENT, Temps Paysage. Une réponse à l’Anthropocène (éditions Le Pommier, 2020).

La philosophe et historienne appelle à décentrer notre rapport au temps « par rapport à notre culture occidentale et à notre anthropocentrisme. Le temps créé par les humains, qui se fonde sur les données astronomiques, n’est pas le temps de toutes les choses qui existent dans l’univers ». Les temps sont multiples : le temps social, le temps biologique, le temps astronomique, le temps géologique… Pouvons-nous penser le temps au pluriel, sous la forme d’une polychronie ?

Aurélien BERLAN, Terre et liberté. La quête d’autonomie contre le fantasme de délivrance (La Lenteur, 2021).

« Un essai philosophique qui oppose à l’idée de liberté prédominante dans la plupart des sociétés, impliquant le pouvoir de se décharger des contraintes de la vie matérielle sur les esclaves, les travailleurs manuels, les femmes ou les machines, une vision portée par divers mouvements paysans à travers l’histoire, en particulier le zapatisme, prônant une conception plus collective et égalitaire ».

Aurélien BERLAN, Guillaume CARBOU, Laure TEULIERES (dir.), Greenwashing. Manuel pour dépolluer le débat public (Seuil, 2022).

« Fort de ses vingt-quatre entrées : croissance verte, économie circulaire, énergies décarbonées, dématérialisation, politiques publiques, nucléaire, transition, véhicule propre, ville durable… ce manuel d’autodéfense intellectuelle permet d’appréhender le greenwashing dans toute son ampleur. Trente-cinq scientifiques et spécialistes de ces questions révèlent les fausses promesses, les illusions rassurantes et les formes d’enfumage qui nous enferment dans des trajectoires insoutenables. Un outil essentiel pour ouvrir la voie aux bifurcations nécessaires ».

Alain BIHR, Roland PFEFFERKORN, Le système des inégalités (La Découverte, 2021).

« Les inégalités ne sont pas indépendantes les unes des autres : elles tendent au contraire à se cumuler au sein d’un système dont l’analyse révèle la division de notre société en classes sociales. En se fondant sur un riche matériau empirique, essentiellement statistique, et une exploitation méthodique des publications les plus récentes, ce livre montre l’intérêt d’une approche systémique des inégalités, qui met en évidence la permanence de la division de la société française en classes sociales ».

Emmanuel BONNET, Diego LANDIVAR, Alexandre MONNIN, Héritage et fermeture. Une écologie du démantèlement (Editions Divergences, 2021).

« Alors que les mouvements progressistes rêvent de monde commun, nous héritons contre notre gré de communs moins bucoliques, «négatifs», à l’image des fleuves et sols contaminés, des industries polluantes, des chaînes logistiques ou encore des technologies numériques. Nous n’avons pas d’autre choix que d’apprendre, en urgence, à destaurer, fermer et réaffecter ce patrimoine. Et ce, sans liquider les enjeux de justice et de démocratie ».

M. BOURBAN, L. BROUSSOIS, A. FRAGNIERE (dir.), Textes clés de philosophie du changement climatique Éthique, politique, nature (Vrin, 2023).

« Quelles sont les responsabilités des générations présentes envers les générations futures? Quels devoirs de justice les individus et les États ont-ils envers les plus vulnérables aux impacts climatiques? Quelles valeurs devraient guider nos actions individuelles et nos choix politiques en matière de changement climatique? Quel rapport devrions-nous entretenir avec le reste de la nature? Ces questions normatives forment le cœur de la philosophie du changement climatique, un champ de recherche récent mais en pleine expansion qui contribue au renouvellement de la philosophie dans un monde qui change rapidement ».

Dominique BOURG, Le marché contre l’humanité (PUF, 2019).

Un état des lieux de notre démocratie face à l’émergence de groupes transnationaux surpuissants et aux enjeux écologiques. Un appel à l’écologisation de la démocratie et à l’unité du vivant pour sauver nos libertés politiques, à commencer par la liberté de continuer à vivre sur une planète habitable.

Dominique BOURG, Sophie SWATON, Primauté du vivant. Essai sur le pensable (PUF, 2021).

« Cet ouvrage montre comment notre époque commence à comprendre à la fois que le vivant est un tout, et que ce tout pense ‒ car la pensée habite effectivement l’ensemble du vivant, depuis les animaux jusqu’aux végétaux en passant par le minéral : alors que l’on a cherché à réduire la pensée et le pensable aux seules représentations subjectives humaines, ils ne cessent d’affleurer de toutes parts ».

Sacha BOURGEOIS-GIRONDE, être la rivière (PUF, 2020).

« Ayant pris connaissance de l’attribution de la personnalité juridique au fleuve Whanganui et de sa reconnaissance par la loi néozélandaise comme « entité vivante et indivisible », l’auteur entreprend une enquête, à la fois sur le plan conceptuel et sur le terrain, par la remontée du fleuve avec un traducteur maori et une photographe, pour analyser le sens de cette nouvelle disposition légale ».

Christophe BOUTON, L’Accélération de l’histoire. Des lumières à l’Anthropocène (Seuil, 2022).

« Comme une locomotive lancée à toute allure qui aurait perdu son conducteur, l’histoire des sociétés occidentales se caractériserait, à partir du milieu du 18ème siècle, par une accélération exponentielle qui serait devenue hors de contrôle. Associant étroitement histoire des concepts et réflexion sur la modernité, Christophe Bouton invite à une évaluation critique de ce récit de « l’accélération de l’histoire ». Qui sont ses défenseurs ? Quelles sont les significations qu’elle revêt dans ses divers usages théoriques, pratiques et politiques ? Vivons-nous vraiment à l’ère de l’accélération généralisée ? Ne faut-il pas plutôt varier les perspectives en étant attentifs à d’autres expériences du temps historique, comme le souci du passé ou l’esprit de l’utopie, qui résistent à cette tendance de fond ? »

Clara BRETEAU, Les vies autonomes, une enquête poétique (Actes Sud, 2022).

« Alors que les appels à déserter le système se multiplient et que l’urgence de trouver d’autres manières d’habiter se fait toujours plus prégnante, Clara Breteau éclaire d’un jour nouveau les lieux autonomes et leurs pouvoirs poétiques capables, comme des plantes, de pousser à travers nos maisons et de les réanimer. Par son enquête hors norme, ce livre réussit alors à circonscrire l’un des points faibles majeurs du capitalisme colonial : ce lien organique et vernaculaire au territoire qui, refaisant de l’habitat un corps tissé de signes, contient la clef de nos émancipations poétiques et politiques ».

Sylvaine BULLE, Irréductibles. Enquêtes sur des milieux de vie, de NDLL à Bure (UGA Editions, 2020).

« D’où viennent les ZAD (zones à défendre) ? Qu’est-ce que l’« autonomie politique » comme régime d’action ? En donnant à lire l’autonomie politique dans son contexte actuel puis s’appuyant sur une enquête menée en grande partie sur la ZAD Notre-Dame-Des-Landes, cet ouvrage analyse des occupations territoriales associant stratégie défensive et déploiement de formes de vie totales. Se plaçant en dehors du système marchand et capitaliste, l’autonomie politique défend jusque dans ses alliances les plus récentes avec l’écologie, l’idée que des formes politiques et sociales émergentes sont irréductibles et doivent résister à toute tentative de formalisation (notamment par la sociologie) ou d’institutionnalisation. L’étude menée par Sylvaine Bulle restitue l’épaisseur d’un monde, celui des ZAD, qui par sa nouveauté et sa radicale différence, échappe au regard de la sociologie classique et en questionne la posture ».

Jeanne BURGART GOUTAL, Être écoféministe. Théories et Pratiques (L’Échappée, 2020).

L’autrice allie analyses et enquêtes, mélange les genres dans son écriture et fait entendre de nombreuses voix — celles de théoriciennes, de militantes, de praticiennes — afin d’approcher la complexité de l’écoféminisme en mettant en scène ses ambiguïtés.

Florent BUSSY, Günther Anders et nos catastrophes (Le passager clandestin, 2020).

Une introduction à l’œuvre visionnaire d’un « semeur de panique » : infatigable pourfendeur de la bombe atomique, Günther Anders (1902–1992) a fait des catastrophes de son siècle le point de départ de ses réflexions. Il a analysé le décalage périlleux, provoqué par la société industrielle, entre nos compétences techniques et nos facultés d’imagination : alors que la technique rend infinie notre capacité de nuisance, notre aptitude à appréhender les conséquences de nos actes s’amoindrit ostensiblement.

Florence CAEYMAEX, Vinciane DESPRET et Julien PIERON (dir.), Habiter le trouble avec Donna Haraway (Dehors, 2019).

Ouvrage collectif consacré aux propositions les plus récentes de la philosophe et biologiste Donna Haraway sous la forme d’une série d’enquêtes philosophique, sociologique, anthropologique et artistique.

John Baird CALLICOTT, Genèse. Dieu nous a-t-il placés au-dessus de la nature ? (Editions Wildproject, 2021). Traduction par Dominique Bellec.

« L’Occident est-il voué à vouloir dominer la nature ? En quoi consiste vraiment le péché originel ? Callicott remet ici en cause l’idée communément admise selon laquelle la séparation homme-nature serait un héritage culturel indissociable de notre identité judéo-chrétienne. Ce court essai, clair et dense, destiné à tous les lecteurs, propose une lecture inédite de la Genèse et du péché originel ».

Fabien CARRIE, Antoine DORE, Jérôme MICHALON, Sociologie de la cause animale (La Découverte, 2023).

« Depuis quelques années, les mobilisations pro-animaux suscitent une attention publique particulière : aux associations établies œuvrant à la “protection” des animaux s’ajoutent désormais des collectifs revendiquant plutôt leur “libération”. Leur point commun : défendre les intérêts des animaux. Le lectorat francophone ne disposait pas encore de synthèse distanciée, faisant le point sur les propriétés sociales, politiques et morales de ces mouvements ».

Pierre CHARBONNIER, Culture écologique (Presses de Sciences-Po, 2022).

« L’ouvrage se fixe pour objectif de porter à la connaissance du plus grand nombre les débats qui organisent aujourd’hui la question écologique. Ces débats convoquent les sciences de la Terre, l’anthropologie, la sociologie, l’histoire, la géographie et l’économie, ainsi que la philosophie. Leur contenu met en question l’organisation des savoirs, les normes politiques et l’encadrement technique de la nature ».

Pierre CHARBONNIER, Abondance et liberté. Une histoire environnementale des idées (La Découverte, 2020).

Le pacte entre démocratie et croissance est aujourd’hui remis en question par le changement climatique et le bouleversement des équilibres écologiques. Le philosophe « appelle à sauver le projet démocratique en le découplant de notre mode de vie destructeur. La tâche est immense, tant nos imaginaires et nos institutions ont été marquées par le pacte entre croissance et autonomie. Si les notions d’abondance et de liberté ont marché main dans la main depuis trois siècles, ce long compagnonnage est aujourd’hui remis en cause ».

Christine CHIVALLON, François DELADERRIERE, Jean-Paul DEMOULE, Bérénice GAGNE, Muriel GANDELIN, Axelle GREGOIRE, Michel LUSSAULT, Thibaut SARDIER, Christian SERMET, Néolithique Anthropocène. Dialogue autour des 12 000 dernières années (Editions deux-cent-cinq, collection “A partir de l’Anthropocène”, 2021).

L’ouvrage « donne à lire et à voir des réflexions engagées autour de l’empreinte humaine sur la planète: les empreintes transformatrices au Néolithique, révélatrices de l’interrelation de l’humanité avec le reste du vivant, les empreintes prédatrices sur les ressources et les corps de la culture de plantation dès le début du XVIe siècle, les empreintes toxiques visibles après la Seconde Guerre mondiale constitutives de la “grande accélération”. Questionner l’origine de cette crise de l’habitabilité de la Terre et entrevoir sa complexité, c’est aussi ouvrir les possibles pour l’avenir ».

Yves CITTON, Faire avec. Conflits, coalitions, contagions (Les liens qui libèrent, 2021).

« Quoi faire quand il semble qu’il n’y aurait plus rien à faire ? Une seule solution : faire avec. Trouver dans le «faire avec» une vraie puissance politique. Faire avec ce qui est là (ou ce qu’il en reste), faire avec nos amis mais aussi avec nos ennemis. Nouer des partenariats improbables et développer par contagion des hospitalités inédites. Yves Citton propose des solutions inventives pour faire face à la casse du modèle qui a porté notre développement au bord du gouffre ».

Yves CITTON, Jacopo RASMI, Générations collapsonautes. Naviguer par temps d’effondrements (Seuil, 2020).

Une analyse du discours collapsologique qui reconnaît la puissance de déplacement intellectuel des thèses effondristes et les prend au sérieux mais identifie également les présupposés de la collapsologie pour nous décoller d’une croyance naïve dans un effondrement inéluctable et imminent. L’ouvrage multiplie les perspectives dévoilant une pluralité d’effondrements déjà en cours, plutôt qu’un unique écroulement à venir et il questionne ce « nous » de la collapsologie à partir de temporalités alternatives, d’attentions altérées, de points de vues excentrés et excentriques.

Gregory CLAEYS, Utopianism for a Dying Planet. Life after Consumerism (Princeton University Press, 2022).

L’ouvrage « analyse la façon dont la longue histoire de la pensée utopique peut offrir des pistes idéologiques et imaginatives face à la catastrophe. La tradition utopique, qui a critiqué la consommation excessive et la complaisance luxueuse, pourrait ouvrir la voie à une société qui mettrait l’accent sur l’égalité, la sociabilité et la durabilité ».

Bruce CLARKE, Sébastien DUTREUIL (dir.), Writing Gaia. The Scientific Correspondence of James Lovelock and Lynn Margulis (Cambridge University Press, 2022).

« En 1972, James Lovelock et Lynn Margulis ont commencé à collaborer sur l’hypothèse Gaia. Ils suggèrent qu’au cours des temps géologiques, la vie sur Terre a joué un rôle majeur dans la production et la régulation de son propre environnement. Gaia est aujourd’hui une conception écologique et environnementale du monde qui sous-tend des débats scientifiques et culturels essentiels sur les questions environnementales. Leurs idées ont transformé les sciences de la vie et de la terre, ainsi que les conceptions contemporaines de la nature. Leur correspondance décrit ces développements cruciaux de l’intérieur, montrant comment leur partenariat s’est avéré décisif pour le développement de l’hypothèse Gaia ».

Philippe COULANGEON, Yoann DEMOLI, Maël GINSBURGER, Ivaylo PETEV, La conversion écologique des Français. Contradictions et clivages (Puf, 2023).

« À partir des données d’une enquête menée auprès d’un échantillon représentatif de la population française en 2017, ce livre analyse les dimensions sociales et politiques de la transition écologique. Il souligne la diffusion large mais inégale des préoccupations environnementales ».

Martin CROWLEY, Accidental Agents. Ecological Politics Beyond the Human (Columbia University Press, 2022).

« Dans l’Anthropocène, le fait que l’activité humaine soit liée à l’existence et aux actions de toutes sortes d’autres êtres est inéluctable. Par conséquent, la crise écologique planétaire a fait naître un besoin urgent de repenser la compréhension de l’action humaine. Une première réponse consiste à dire que les transformations nécessaires pour faire face aux crises actuelles émergeront de la capacité particulière des êtres humains à transcender leur environnement. Une autre école de pensée appelle à considérer l’action comme composite, produite par des réseaux distribués d’agents humains et non humains. S’appuyant sur des penseurs tels que Bruno Latour, Bernard Stiegler et Catherine Malabou, Crowley propose une conception originale de l’action, à la fois distribuée et décisive. Remettant en cause la vision dominante de l’agentivité comme étant exclusivement humaine, il explore comment une politique qui intègre l’agentivité non humaine peut intervenir dans le monde réel, en examinant des questions d’actualité telles que les migrations climatiques et la politique numérique-algorithmique ».

Benoit DAUGUET, Mesures contre nature (Editions Grevis, 2021).

Le sociologue « montre dans le détail et à travers l’exemple de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes comment se constituent les normes de compensation écologique et ce qu’elles produisent réellement : une mise en équivalence généralisée des êtres vivants et des milieux. Un des éléments les plus frappants concernant les équivalences ainsi produites est probablement la totale indistinction entre leurs aspects écologiques et économiques » (Lundi matin, 14/06/2021).

Emmanuel DELANNOY, Biomiméthique. Répondre à la crise du vivant par le biomimétisme (Rue de l’échiquier, 2021).

« Il n’y a pas de crise du vivant : il n’y a qu’une crise de notre relation au vivant. Après une première partie consacrée à l’étude des limites et des potentiels écueils de notre conception actuelle de la transition écologique, l’auteur décrit les conditions, valeurs et principes d’action d’une approche éthique du biomimétisme, qui contribuerait à l’émergence d’un nouveau rapport au vivant, voire d’un nouvel imaginaire collectif — ce « récit » dont les sociétés ont besoin pour se cimenter et les civilisations pour évoluer ».

Candice DELMAS, Le devoir de résister. Apologie de la désobéissance incivile (Herman, 2022).

« Quelles sont nos responsabilités face à l’injustice ? Les philosophes considèrent généralement que les citoyens d’un État globalement juste doivent obéir à la loi, même lorsqu’elle est injuste, quitte à employer exceptionnellement la désobéissance civile pour protester. Les militants quant à eux jugent souvent que l’obligation première est résister à l’injustice. En revisitant le concept d’obligation politique, Candice Delmas montre que le devoir de résister a les mêmes fondements que le devoir d’obéir à la loi. Des formes de désobéissance incivile, de l’aide clandestine aux migrants aux fuites de documents non autorisés en passant par l’écosabotage ou les cyberattaques, peuvent parfois être justifiées, voire moralement requises, même dans des sociétés démocratiques. L’incivilité interpelle, accuse, rend l’indifférence impossible et force à prendre parti. Alors, qu’est-il légitime de faire pour défendre une cause juste dans un État de droit qui en ignore les enjeux? ».

Philippe DESCOLA, Les formes du visible (Seuil, 2021).

« La figuration n’est pas tout entière livrée à la fantaisie expressive de ceux qui font des images. On ne figure que ce que l’on perçoit ou imagine, et l’on n’imagine et ne perçoit que ce que l’habitude nous a enseigné à discerner. Le chemin visuel que nous traçons spontanément dans les plis du monde dépend de notre appartenance à l’une des quatre régions de l’archipel ontologique : animisme, naturalisme, totémisme ou analogisme. Chacune de ces régions correspond à une façon de concevoir l’ossature et le mobilier du monde, d’en percevoir les continuités et les discontinuités, notamment les diverses lignes de partage entre humains et non-humains. En comparant avec rigueur des images d’une étourdissante diversité, Philippe Descola pose magistralement les bases théoriques d’une anthropologie de la figuration ».

Philippe DESCOLA, Une écologie des relations (CNRS éditions, 2019).

Un texte didactique qui restitue les grandes étapes du parcours de l’anthropologue Philippe Descola qui, à la lumière de son expérience en Amazonie, déconstruit le clivage occidental entre nature et culture pour recomposer une « écologie des relations » entre humains et non-humains.

Vinciane DESPRET, Habiter en oiseau (Actes Sud, 2019).

« Qu’est-ce que serait un territoire du point de vue des animaux ? Vinciane Despret mène l’enquête auprès des ornithologues ».

Vinciane DESPRET, Frédérique DOLPHIJN, Fabriquer des mondes habitables (Editions esperluète, 2021).

« Frédérique Dolphijn interroge le travail de Vinciane Despret et en particulier son rapport à l’écriture, à la lecture, à la transmission de savoirs, et à tout ce qui entoure la recherche : le choix des sujets, la manière dont l’interaction avec le sujet influence la démarche de recherche, la vulgarisation de résultats. Un bel entretien qui nous offre un autre regard sur le travail de longue haleine de cette philosophe-éthologue belge ».

Damien DEVILLE, Pierre SPIELEWOY, Toutes les couleurs de la Terre — Ces liens qui peuvent sauver le monde (Tana Editions, 2020).

Juriste et anthropologues, les auteurs élaborent le cheminement théorique et politique de l’écologie relationnelle, et nous incitent à redécouvrir la complexité du vivant, des individus et des cultures. Ils appellent à renouveler notre façon d’habiter les mondes et à redéfinir la juste place de l’humanité dans la grande fresque du vivant.

Jared DIAMOND, Bouleversement. Les nations face aux crises et aux changements (Gallimard, 2020). Traduction par Hélène Borraz.

Etude comparative, narrative et exploratoire des crises et des changements sélectifs survenus au cours de nombreuses décennies dans 7 nations modernes : la Finlande, le Japon, le Chili, l’Indonésie, l’Allemagne, l’Australie et les États-Unis. L’auteur cherche à définir « une douzaine de facteurs destinés à être testés ultérieurement par des études quantitatives. Chemin faisant, la question est posée de savoir si les nations ont besoin de crises pour entreprendre de grands changements ; et si les dirigeants produisent des effets décisifs sur l’histoire ».

Tom DUBOIS, Christophe GAY, Vincent KAUFMANN, Sylvie LANDRIEVE, Pour en finir avec la vitesse. Plaidoyer pour la vie en proximité (Editions de l’Aube, 2023).

« Pouvoir se déplacer de plus en plus rapidement grâce à la vitesse des nouveaux modes de transport a modifié nos modes de vie fondamentalement. Mais si voyager toujours plus loin et à bas coût, au quotidien et pour les vacances, exauce les rêves de liberté et de découverte d’une partie croissante de la population mondiale, il y a un revers à la médaille : fatigue, stress, inégalités, fragilité du système, congestion et pollution. Et la récente révolution numérique n’a permis de diminuer ni les déplacements, ni le rythme de vie de nos contemporains. Pire, la démocratisation de la voiture puis de l’avion contribue de façon majeure au réchauffement climatique. Est-il (encore) possible de sortir de l’emprise de la vitesse ? ».

Matthieu DUPERREX, La rivière et le bulldozer (Premier Parallèle, 2022).

« Alors qu’on souligne avec de plus en plus d’insistance la nécessité de faire davantage de place au vivant, le parti pris ici est de nourrir la pensée écologique à l’aide d’une description attentive de l’essence géologique de l’être humain, en commençant par suivre à la trace un galet de rivière. Des civilisations, nous savions qu’elles étaient mortelles, ce dont des ruines et autres héritages attestent pour l’archéologie. Mais qu’elles deviendront fossiles et seront léguées comme telles, c’est ce que ce petit essai enlevé et érudit entreprend de décrire ».

Arturo ESCOBAR, Sentir-penser avec la Terre. L’écologie au-delà de l’Occident (Seuil, 2018). Traduction par Anne-Laure Bonvalot, Roberto Andrade Pérez, Ella Bordai, Claude Bourguignon, Philippe Colin.

« La partition nature/culture qui fonde l’ontologie moderne occidentale et qui s’est imposée partout n’est pas la seule façon d’être au monde, encore moins la forme ultime de la civilisation. Un tel dualisme, qui sépare corps et esprit, émotion et raison, sauvage et civilisé, acteur et chercheur, humains et autres qu’humains, nous empêche de nous vivre comme partie du monde et nous conduit à le détruire. Des mouvements indigènes du Sud aux “zones à défendre” (ZAD) du Nord, les conflits politiques renvoient à des visions divergentes quant à la composition du monde et aux façons d’en prendre soin. Autrement dit, à un conflit ontologique. Comment, à l’heure de la crise écologique et face à l’échec de la mondialisation, penser cette dimension ontologique de la politique ? Comment engager notre transition, en dialogue avec luttes des peuples non-occidentaux et les cosmologies non-modernes, pour habiter en conscience le plurivers, ce monde des mondes qu’est notre planète ? ».

Romain ESPINOSA, Comment sauver les animaux ? Une économie de la condition animale (Puf, 2021).

« Alors même que le bien-être animal n’a jamais fait l’objet d’un si large consensus dans notre société, plus d’un milliard d’animaux terrestres sont tués chaque année en France pour satisfaire la demande en viande, œufs et lait, tandis que des millions d’autres sont pêchés, chassés, exhibés dans des cirques ou des enclos. Comment faire advenir une société où l’exploitation animale serait l’exception et non plus la norme? »

David FARRIER, Footprints. In Search of Future Fossils (Farrar, Straus and Giroux, 2020).

L’ouvrage propose un examen anthropologique de l’Anthropocène en se demandant à quoi ressemblera le monde dans 10 000 ans — ou dans dix millions d’années et quelles histoires seront racontées à notre sujet. Il examine les traces que nous laissons sur la planète aujourd’hui — de la pollution plastique aux gaz dans l’atmosphère et aux squelettes de gratte-ciel — et spécule sur ce que ces fossiles pourraient révéler aux futurs archéologues qui étudieront le 21e siècle.

Cynthia FLEURY, Le soin est un humanisme (Gallimard, Tracts, 2019).

« Tel est le chemin éternel de l’humanisme : comment l’homme a cherché à se construire, à grandir, entrelacé avec ses comparses, pour grandir le tout, et non seulement lui-même, pour donner droit de cité à l’éthique, et ni plus ni moins aux hommes. Quand la civilisation n’est pas soin, elle n’est rien ».

Jean-Marc GANCILLE, Carnage. Pour en finir avec l’anthropocentrisme (Rue de l’Echiquier, 2020).

« Un tableau sans concession de la relation que l’être humain a nouée avec le monde animal, fondée sur la domination et l’exploitation, et ce dès avant la naissance de l’agriculture ». L’auteur « dessine une voie d’action pour en finir avec l’anthropocentrisme sur le plan juridique, alimentaire, agricole… et sur les méthodes pour mener cette lutte ».

Alexandre GEFEN (dir.), Un monde commun. Les savoirs des sciences humaines et sociales (CNRS Editions, 2023).

« Les disciplines couvertes par les sciences humaines et sociales sont vastes et variées. À toutes incombent d’analyser, comprendre, décrire le monde et la façon dont les hommes, les femmes et plus largement le vivant l’ont habité, l’habitent et l’habiteront. Toutes partagent une réflexion sur un sujet rendu majeur par la crise environnementale, les bouleversements numériques, les inégalités sociales et les conflits : comment faire « monde commun » ? ».

André GORZ, Leur écologie et la nôtre — Anthologie d’écologie politique (Seuil, 2020).

Première anthologie réunissant les principaux textes du philosophe et penseur de l’écologie et du capitalisme tardif. Il offre des perspectives sur l’autonomie et la liberté et des analyses critiques sur les derniers avatars du capitalisme et de sa crise écosystémique.

Sophie GOSSELIN, David gé BARTOLI, La Condition terrestre. Habiter la Terre en communs (Seuil, 2022).

« L’espace-temps du politique change : la Terre et la multiplicité des êtres qui la composent font irruption dans les affaires humaines en réagissant aux assauts continus d’un front de modernisation mené par l’État-Capital. En menant une vaste enquête à travers le monde, ce livre ouvre un autre chemin : penser et habiter notre condition terrestre. Des montagnes andines de Bolivie à la rivière Whanganui de Nouvelle-Zélande, de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes en France à l’archipel des îles de Kanaky-Nouvelle Calédonie, du fleuve Elwha aux États-Unis à la rébellion des zapatistes du Chiapas mexicain, les auteurs explorent les processus cosmopolitiques et les inventions institutionnelles qui redonnent à des communautés d’habitant-e-s les moyens d’habiter la Terre ».

David GRAEBER, David WENGROW, Au commencement était. Une nouvelle histoire de l’humanité (Les Liens qui Libèrent, 2021). Traduction par Elise Roy. The Dawn of Everything, A New History of Humanity (Macmillan Publishers, 2021).

Un réexamen radicalement nouveau de l’histoire de l’humanité qui bouscule nos représentations les plus profondément ancrées sur l’évolution sociale — du développement de l’agriculture et des villes aux origines de l’État, de la démocratie et des inégalités — et qui ouvre de nouveaux horizons d’émancipation.

Amaena GUENIOT, Terre brisée. Pour une philosophie de l’environnement (Double Ponctuation, 2022).

« Face à la catastrophe environnementale, Amaena Guéniot estime qu’il est indispensable d’ancrer notre pensée dans la tradition philosophique. D’une façon très claire et abordable, elle nous montre comment Platon, Aristote, Rousseau, Kant ou encore Weil et Arendt peuvent nous aider à penser ce défi historique sans précédent. L’enjeu est de taille, car il nous faut revoir entièrement les conditions et les finalités de l’activité humaine dans ce nouveau contexte — celui d’une Terre brisée qu’il nous faut reconstruire ».

Dominique GUILLO, Les Fondements oubliés de la culture. Une approche écologique (Seuil, 2019).

« En examinant les liens d’interdépendance entre les êtres situés dans un même espace écologique, qu’ils soient ou non de la même espèce, cet ouvrage développe une théorie profondément novatrice de l’émergence de la vie sociale et culturelle ».

Émilie HACHE, Ce à quoi nous tenons. Propositions pour une écologie pragmatique (La Découverte, 2019).

« En s’attachant à décrire au plus près ce à quoi nous tenons et non à prescrire ce qu’il faudrait faire, sans jamais séparer ce souci moral de ses conséquences politiques, Émilie Hache explore de nouvelles façons de prendre en compte les différents êtres. Elle propose ainsi une approche pragmatiste des questions écologiques : il s’agit en effet d’apprendre à élaborer des compromis afin de se donner une chance de construire un monde commun ».

Ghassan HAGE, L’Alterpolitique. Anthropologie critique et imaginaire radical (EuroPhilosophie Éditions, 2021). Traduction par Maria Thedim et Emmanuel Thibault.

« Le présent ouvrage met en valeur la manière dont l’anthropologie critique, pour avoir toujours pris comme objet de recherche et de réflexion les économies alternatives, les modes alternatifs d’habitation et de rapport à la terre, ainsi que les différentes façons de penser et d’expérimenter l’altérité, présente une affinité particulière avec les dynamiques nécessaires pour la formulation des stratégies alterpolitiques » contre un « ordre capitaliste-colonialiste-domesticateur ».

Ghassan HAGE, Le Loup et le Musulman. L’islamophobie et le désastre écologique (Editions Wildproject, 2021). Traduction par Lucie Blanchard.

« Dans un monde régi par la domestication, le loup et le musulman apparaissent comme deux grandes figures fantasmatiques menaçant la « civilisation ». Ils ne respectent pas les frontières nationales, qui garantissent le maintien de l’ordre colonial. Pour Hage, le crime écologique et le crime racial reposent sur la même volonté de « gouverner l’ingouvernable ». Parce qu’on ne gouverne ni les âmes, ni le climat, islamophobie et géoingénierie sont deux avatars de la même illusion domesticatrice — aux conséquences également funestes ».

Olivier HAMANT, Antidote au culte de la performance. La robustesse du vivant (Gallimard, Collection Tracts n° 50, 2023).

« Face aux bouleversements du monde en cours et à venir, le développement durable, entre géo-ingénierie contreproductive et tout-électrique mal pensé, crée de nombreux futurs obsolètes. Émergent alors les contremodèles de la décroissance et de la sobriété heureuse, nettement mieux alignés avec le monde qui vient. Mais la frugalité peut-elle réellement mobiliser ? Ne risque-t-elle pas non plus de se réduire à d’autres formes d’optimisation ? Et si, pour être sobre et durable, il fallait d’abord questionner une valeur nettement plus profonde : l’efficacité. Le monde très fluctuant qui vient appelle un changement de civilisation. Ce chemin demande surtout de valoriser nos points faibles et inverse toutes les recettes. Il va maintenant falloir vivre dans un monde fluctuant, c’est-à-dire inventer la civilisation de la robustesse, contre la performance ».

Byung-Chul HAN, La Fin des choses. Bouleversements du monde de la vie (Actes Sud, 2022). Traduction par Olivier Mannoni.

« “Nous n’habitons plus la terre et le ciel, nous habitons Google Earth et le Cloud. Le monde devient de plus en plus insaisissable, nuageux et spectral.” Tel est le constat de Byung-Chul Han : le monde des choses est en voie de disparition ; le monde concret et durable est érodé au profit d’un univers éphémère où le travail accompli par la main a laissé place au glissement des doigts sur l’écran du smartphone et à une “intelligence” artificielle, qui “pense à partir du passé”, est “aveugle à l’événement” ».

Donna HARAWAY, Quand les espèces se rencontrent (La Découverte, 2021).

« C’est en partant des gestes les plus ordinaires du quotidien et non pas de grands principes que Donna Haraway nous invite à penser notre relation aux espèces compagnes. Ces espèces avec lesquelles nous « partageons le pain », depuis les micro-organismes qui nous peuplent jusqu’aux animaux de compagnie. Il s’agit ici non pas de domestication, de contrôle ou de rachat de la dette mais de contact. Quelle est la valeur ajoutée du contact ? Que nous apprennent à sentir et à faire les « zones de contact » ? Loin de tout retour romantique à une rencontre sauvage, dénuée d’intérêts et de contamination biopolitique, prendre soin du contact entre espèces « entraîne » à un perpétuel zigzag entre ce qui nous affecte, nous rattache, nous rend interdépendants, simultanément robustes et vulnérables ».

Donna HARAWAY, Vivre avec le trouble (Les éditions des mondes à faire, 2020). Traduction par Vivien García.

La philosophe des sciences raconte des histoires qui mélangent les règnes, les époques, les registres, les matières et les disciplines. Elle invite à faire exploser tous les carcans et à apprendre à vivre « connecté aux autres », humains et non-humains pour penser et vivre à l’heure du désastre écologique.

Anne-Sophie HAERINGER, Jean-Louis TORNATORE (dir.), Héritage et anthropocène. En finir avec le patrimoine (arbre bleu éditions, 2022).

« Ce livre propose des variations sur l’impossibilité du patrimoine à l’anthropocène, désignation tout aussi impossible, quant à pouvoir rendre compte de l’habitation humaine, passée, présente et à venir, de la Terre. Cette double impossibilité, comme disposée en miroir, postule que le monde n’est plus le même dans et avec le discours anthropocénique, ce qui appelle de nouvelles expérimentations du devenir dans le temps de sociétés humaines ».

Richard HEINBERG, Power. Limits and Prospects for Human Survival (New Society Publishers / Post Carbon Institute, 2021).

Une histoire du rapport au pouvoir de notre espèce Homo sapiens qui s’est construit sur 4 éléments : la fabrication d’outils, le langage, la complexité sociale et la capacité d’exploiter les sources d’énergie, en particulier les énergies fossiles. L’ouvrage explore également l’histoire humaine du renoncement au pouvoir, une histoire enfouie « sous un siècle de croissance économique basée sur les énergies fossiles ».

Quentin HIERNAUX, Benoît TIMMERMANS (dir.), Philosophie du végétal. Botanique, épistémologie, ontologie (Vrin, 2021).

« Plus qu’une critique stérile de l’anthropomorphisme et de l’universalisme réducteurs, une philosophie du végétal est un véritable moteur pour la création de nouvelles formes intellectuelles et pour réfléchir les enjeux technoscientifiques, environnementaux et éthiques de notre rapport à la nature. Ce volume réunit les textes d’un botaniste, d’une généticienne des populations végétales, d’historiens de la botanique et de philosophes qui, tous, pensent que la philosophie peut être utile à la botanique, et réciproquement. Ont participé à ce volume : E. Coccia, D. Diagre-Vanderpelen, J.-M. Drouin, S. Gerber, Fr. Hallé, Q. Hiernaux, M. Marder et B. Timmermans ».

Kregg HETHERINGTON (dir.), Infrastructure, Environment, and Life in the Anthropocene (Duke University Press, 2019).

Un ouvrage collectif qui explore des lieux de l’Anthropocène où les éléments naturels et construits sont devenus inextricables (des digues construites en huîtres, des rivières souterraines creusées par des tuyaux qui fuient, des quartiers partiellement submergés par la marée montante etc.). Ces situations illustrent le défi de l’Anthropocène : il désarçonne notre compréhension socio-scientifique de la planète et interroge notre manière d’imaginer l’avenir.

Yuk HUI, La Question de la technique en Chine (Editions Divergences, 2021).

« S’il y a un domaine où la Chine s’impose au XXIe siècle, c’est bien celui de la technique. Conquête de l’espace, déploiement de la 5G, construction d’un Internet «national» avec ses propres géants numériques, nouvelles technologies de surveillance et de contrôle. Pourtant rien ne semblait prédestiner la Chine à accepter ni à intégrer ce système, encore moins à en être à la pointe. Contre les penseurs européens qui présentent toujours la technique comme une donnée universelle, le philosophe propose de réinsérer les techniques dans leur contexte local et cosmologique, à la lumière d’une relecture de l’histoire des philosophies de la technique en Occident et en Asie ».

Aliocha IMHOFF, Kantuta QUIRÓS, Qui parle ? (pour les non-humains) (Puf, 2022).

« Poser la question « Qui parle ? » signifie désormais élargir la scène des savoirs et de la politique à tous ceux qui, parce qu’ils ne disposaient pas de la parole, ne pouvaient y être inclus — animaux, végétaux, objets ou machines. Aliocha Imhoff et Kantuta Quirós répondent à cette question par un manifeste pour une politique du silence qui est aussi bien une cartographie de ses moyens possibles : celle des procédés de traduction, des formes nouvelles de citoyenneté, d’écodiplomatie, d’attention ou de porte-parolat avec lesquels militants, artistes et penseurs cherchent à donner une voix à ce qui n’en a pas »

Tim INGOLD, Machiavel chez les babouins. Pour une anthropologie au-delà de l’humain (Asinamali, 2021). Traduction par Christophe Degoutin, Laurent Perez.

« Si le bourdon fait partie du système reproducteur du trèfle, pourquoi ne ferions-nous pas partie du processus de croissance de machines et d’artefacts ? Un regard attentif aux mondes animaux révèle les mille et une manières dont la technique et le beau émergent du sensible. Mais qu’en est-il des relations sociales de production, de domination et d’exploitation ? Si celles-ci ne relèvent pas exclusivement de l’humain, que disent-elles de la manière dont on le devient ? ».

Tim INGOLD, Correspondences (Wiley, 2020).

Avec affection et avec soin, l’anthropologue se livre à une correspondance avec des paysages et des forêts, des océans et des cieux, des monuments et des œuvres d’art. « C’est ce que signifie correspondre, joindre notre vie à celle des êtres, des matières et des éléments avec lesquels nous habitons sur la terre ». Il en résulte une enquête sur les façons de rétablir notre parenté avec une terre abîmée.

Édouard JOURDAIN, Le sauvage et le politique (Puf, 2023).

« Qu’est-ce que la civilisation lorsqu’il devient de plus en plus évident que les « civilisés » le sont bien peu — et qu’en leur nom se perpètrent les pires violences, les pires injustices, jusqu’à la destruction même de la planète ? S’inscrivant dans les pas des figures fondatrices de l’anthropologie anarchiste telles que David Graeber ou James C. Scott, Edouard Jourdain propose un vaste périple au cœur des ambiguïtés de cette si étrange civilisation — et de son double nécessaire : la sauvagerie. Car, bien loin de ne concerner que des simples détails esthétiques ou des divergences de mœurs, le pas de côté du côté du « sauvage » devient une manière de remettre en cause jusqu’aux évidences en apparence les mieux assises de notre « civilisation » : propriété, État, individu, droit, démocratie. Face à l’effondrement de la civilisation issue de la modernité, c’est du côté du sauvage que les civilisés trouveront peut-être de quoi penser enfin leur condition — et ses possibles échappatoires ».

Adam KIRSCH, The Revolt Against Humanity. Imagining a Future Without Us (Columbia Global Reports, 2023).

« Dans ce livre percutant sur l’histoire d’une idée, l’auteur attire notre attention sur un sujet apparemment inconcevable: la fin du règne de l’humanité sur la terre est imminente, et nous devrions nous en réjouir. Adam Kirsch parcourt la littérature, la philosophie, la science et la culture populaire pour identifier deux courants de pensée : l’antihumanisme de l’Anthropocène affirme que la destruction du climat a condamné l’humanité et que nous devrions nous réjouir de notre extinction, tandis que le transhumanisme croit que le génie génétique et l’intelligence artificielle conduiront à de nouvelles formes de vie supérieures à l’homme ».

Eric KLINENBERG, Canicule. Chicago, été 1995 : autopsie sociale d’une catastrophe (Éditions deux-cent-cinq, collection “A partir de l’Anthropocène”, 2022). Traduction par Marc Saint-Upéry.

« La grande vague de chaleur de Chicago est l’une des plus meurtrières de l’histoire américaine ». Le sociologue « entreprend l’« autopsie sociale » d’une métropole, examinant les organes sociaux, politiques et institutionnels de la ville. Il y étudie les raisons de la surmortalité marquée dans certains quartiers et découvre qu’un certain nombre de formes surprenantes et inquiétantes de rupture sociale y ont contribué ».

Séverine KODJO-GRANDVAUX, Devenir vivants (Philippe Rey, 2021).

« Cet essai appelle à porter sur la Nature un regard nouveau, radicalement différent de celui qui a permis à la Modernité occidentale de piller une large part de la planète et de l’humanité. Il nous invite à réaliser que nous ne sommes pas hors de l’univers ni dans l’univers : nous sommes l’univers. Séverine Kodjo-Grandvaux plaide pour une nouvelle manière d’être au monde en vibrant avec le tout-vivant. Pas seulement en harmonie avec le cosmos, mais surtout en éveil, à l’écoute, dans l’attention ».

Bernard LAHIRE, Les structures fondamentales des sociétés humaines (CNRS Editions, 2023).

« Les sciences sociales et les sciences du vivant ont trop longtemps cultivé une défiance et une ignorance mutuelles, se privant de leurs apports respectifs pour appréhender dans toute leur complexité les comportements sociaux et culturels des humains. Or, seule l’élaboration d’un programme scientifique comparatif et interdisciplinaire permet de renouer collectivement avec les ambitions qui étaient celles des fondateurs des sciences sociales et de progresser dans la compréhension des spécificités sociales de notre espèce au sein du vivant ».

Michel LALLEMENT, Un désir d’égalité : vivre et travailler dans des communautés utopiques (Seuil, 2019).

« Depuis la fin des années 1960, des femmes et des hommes ont décidé de projeter leurs « rêves en avant » en faisant le choix de vivre en communauté. Pour faire pièce à la société capitaliste et donner vie à leurs idéaux, ils ont bâti des utopies concrètes. Afin de comprendre la logique et la portée de ces initiatives multiples, il faut se demander non seulement qui sont les « communards », mais aussi ce qu’ils font. Il convient, autrement dit, d’examiner la manière de mettre en œuvre au quotidien les utopies dont ils se réclament ».

Baptiste LANASPEZE, Nature (Editions Anamosa, 2022).

« En redéfinissant la nature comme la société des vivants, les pensées de l’écologie nous invitent à penser nos organisations sociales non pas comme une prérogative spécifiquement humaine, mais comme des prolongements des sociétés animales et végétales. Nos sociétés humaines ne transcendent pas les autres sociétés terrestres, mais y sont intégrées, en découlent, et lui sont redevables. Adossé à un sens immémorial de la nature comme ”un monde vivant dont nous faisons partie“, ce livre ranime la notion grâce aux apports des luttes écoféministes et des luttes décoloniales — et constitue aussi la synthèse provisoire d’un cheminement intellectuel, professionnel et politique ».

Baptiste LANASPEZE, Marin SCHAFFNER (dir.), Les Pensées de l’écologie. Un manuel de poche (Editions Wildproject, 2021).

« Ce manuel repose sur une conviction simple : l’écologie n’est pas une nouvelle thématique qui s’ajoute aux autres — mais elle affecte l’intégralité des notions philosophiques et des enjeux de notre temps. Depuis un demi-siècle environ, les humanités écologiques recomposent les relations entre nature et culture, homme et animal, éthique et biologie, connaissance et imagination… Sur ces grands enjeux politiques et moraux de notre époque, qui mobilisent les jeunes générations, ce manuel assemble des textes clefs, des autrices et des auteurs, des questions structurantes — mais présente aussi des lignes de faille et de débat ».

Catherine LARRERE, entretien avec Philippe SABOT, L’anthropocène : une époque pour les transitions ? (PU Septentrion, 2022).

Une conférence dialoguée dans laquelle la philosophe analyse les étapes de constitution de la question écologique telle que nous la connaissons aujourd’hui, et l’émergence simultanée des notions d’Anthropocène et de transitions (écologique et énergétique). Elle souligne l’importance du rythme de transformation des relations entre l’humain et son environnement.

Catherine LARRERE, Raphaël LARRERE, Le pire n’est pas certain. Essai sur l’aveuglement catastrophiste (Premier Parallèle, 2020).

La philosophe de l’environnement et l’ingénieur agronome et sociologue dénoncent le constat d’impuissance sur lequel repose le catastrophisme actuel : à rebours de leur discours, les collapsologues alimentent la logique néolibérale. « Et si, à force de dénoncer l’État et les institutions pour encenser l’entraide citoyenne et les biorégions, les effondristes étaient devenus les idiots utiles du business as usual ? » (Usbek & Rica, 06/09/2020).

Bruno LATOUR, Où suis-je? — Leçons du confinement à l’usage des terrestres (La Découverte, 2021).

« Les Terrestres semblent commencer à saisir qu’ils ne se déconfineront pas, d’autant que la crise sanitaire s’encastre dans une autre crise autrement plus grave ; et que c’est une chance à saisir : celle de comprendre enfin où ils sont, dans quelle terre ils vont pouvoir enfin s’envelopper — à défaut de se développer ! Une fois atterris, parfois violemment, il faut bien que les Terrestres explorent le sol où ils vont désormais habiter. Comment les aider ? Tel est l’objet de cet essai. Après Face à Gaïa, ces deux livres dessinent de plus en plus précisément le Nouveau Régime Climatique ».

Bruno LATOUR, Où atterrir ? — Comment s’orienter en politique (La Découverte, 2017).

« Tout se passe comme si une partie importante des classes dirigeantes (ce qu’on appelle aujourd’hui de façon trop vague « les élites ») était arrivée à la conclusion qu’il n’y aurait plus assez de place sur terre pour elles et pour le reste de ses habitants ».

Bruno LATOUR, Face à Gaïa. Huit conférences sur le nouveau régime climatique (La Découverte, 2015).

« Finalement la Nature était très peu terrestre et surtout très peu matérielle. Gaïa, c’est le nom du retour sur Terre de tout ce que nous avions un peu rapidement envoyé offshore. Alors que les Modernes regardaient en l’air, les Terrestres regardent en bas. Les Modernes formaient un peuple sans territoire, les Terrestres recherchent sur quel sol poser leurs pieds. Ils reviennent sur une Terre dont ils acceptent enfin d’explorer les limites ; ils se définissent politiquement comme ceux qui se préparent à regarder Gaïa de face ».

Bruno LATOUR, Nikolaj SCHULTZ, Mémo sur la nouvelle classe écologique. Comment faire émerger une classe écologique consciente et fière d’elle-même (La Découverte, 2022).

« À quelles conditions l’écologie, au lieu d’être un ensemble de mouvements parmi d’autres, pourrait-elle organiser la politique autour d’elle ? Peut-elle aspirer à définir l’horizon politique comme l’ont fait, à d’autres périodes, le libéralisme, puis les socialismes, le néolibéralisme et enfin, plus récemment, les partis illibéraux ou néofascistes dont l’ascendant ne cesse de croître ? Peut-elle apprendre de l’histoire sociale comment émergent les nouveaux mouvements politiques et comment ils gagnent la lutte pour les idées, bien avant de pouvoir traduire leurs avancées dans des partis et des élections ? ».

Bruno LATOUR, Peter WEIBEL (dir.), Critical Zones. The Science and Politics of Landing on Earth (MIT Press & ZKM | Center for Art and Media Karlsruhe, 2020).

L’ouvrage est issu de l’exposition du même nom au ZKM Center for Art and Media de Karlsruhe (Allemagne) : des artistes et des écrivain·es dépeignent la désorientation d’un monde confronté au changement climatique. Cette désorientation est attribuée à la déconnexion entre deux définitions différentes du territoire sur lequel vivent les humains modernes : la nation souveraine dont ils tirent leurs droits, et un autre, caché, dont ils tirent leurs richesses — le territoire sur lequel et dont ils vivent. En traçant la carte du territoire qu’ils vont habiter, ils ne trouvent pas un globe, mais une série de zones critiques — inégales, hétérogènes, discontinues. Contributions de : Dipesh Chakrabarty, Pierre Charbonnier, Emanuele Coccia, Vinciane Despret, Jerôme Gaillarde, Donna Haraway, Joseph Leo Koerner, Timothy Lenton, Richard Powers, Simon Schaffer, Isabelle Stengers, Bronislaw Szerszynski, Jan A. Zalasiewicz, Siegfried Zielinski.

Danouta LIBERSKI-BAGNOUD, La Souveraineté de la Terre. Une leçon africaine sur l’habiter (Seuil, 2023).

« Les sociétés industrielles se sont engagées dans une forme de déshabitation du monde qui compromet le maintien des formes humanisées de la vie. Les systèmes de pensée qui ont fleuri au Sud du Sahara nous offrent une leçon précieuse sur une notion marginalisée dans le Droit occidental, mais centrale dans ces systèmes : l’inappropriable. La Terre y est en effet placée hors de tout commerce. Envisagée comme une instance tierce, libre et souveraine, garante des interdits fondamentaux, elle n’appartient qu’à elle-même. Cette conception organise toute la vie de la communauté et le partage du sol. Elle est par là même contraire à nos fictions juridiques et économiques qui permettent d’agir comme si la terre était une marchandise circulant entre propriétaires privés, et qui ont pour effet de nous déterritorialiser. Aussi, elle permet un autre mode d’habiter le monde ».

Eric MACE, Après La Société. Manuel De Sociologie Augmentée (Le Bord de l’eau, 2020).

Le sociologue se demande comment continuer à faire de la sociologie lorsque son objet central, « la société moderne », inventé au 19e siècle, est débordé par l’Anthropocène : la mondialisation des interdépendances, la remise en cause des évidences occidentales, la catastrophe environnementale annoncée.

Michael MARDER, La pensée végétale. Une philosophie de la vie des plantes (Les presses du réel, 2021). Traduction par Cassandre Gruyer.

« Là où les philosophes contemporains s’abstiennent d’aborder la vie végétale sous l’angle ontologique et éthique, le philosophe place les plantes au premier plan de l’actuelle déconstruction de la métaphysique ».

Raphaël MATHEVET, Arnaud BECHET, Politiques du flamant rose. Vers une écologie du sauvage (Wildproject, 2020).

« Comment la mobilité animale rebat les cartes de l’aménagement du territoire ? » À partir d’une histoire écologique du sauvetage du flamant rose en Camargue, l’ouvrage révèle, au plus près du terrain, les histoires, les conflits et les alliances d’un territoire, et invite à penser les conditions de coexistence avec le reste du vivant.

Achille MBEMBE, La communauté terrestre (La Découverte, 2023).

L’auteur « propose dans cet essai une réflexion stimulante sur la Terre, ses devenirs, et surtout la sorte de communauté qu’elle forme avec la cohorte des espèces animées et inanimées qui l’habitent, y ont trouvé refuge ou y séjournent. Il montre comment notre relation fondamentale à la Terre ne peut être que celle de l’habitant et du passant. C’est en tant qu’habitant et passant qu’elle nous accueille et nous abrite, qu’elle entretient les traces de notre passage, celles qui parlent en notre nom et en mémoire de qui nous aurons été, avec d’autres et au milieu d’eux. C’est à ce titre qu’elle est la toute dernière des utopies, la pierre angulaire d’une nouvelle conscience planétaire ».

Achille MBEMBE, Brutalisme (La Découverte, 2020).

Brutalisme, c’est le nom donné par le philosophe, professeur d’histoire et de sciences politiques, à l’âge de l’être fabricable dans un monde fabriqué, le grand fardeau de fer de notre époque, le poids des matières brutes. La transformation de l’humanité en matière et énergie est le projet ultime du brutalisme. En détaillant la monumentalité et le gigantisme d’un tel projet, cet essai plaide en faveur d’une refondation de la communauté des humains en solidarité avec l’ensemble du vivant, qui n’adviendra cependant qu’à condition de réparer ce qui a été brisé.

Carolyn MERCHANT, La mort de la nature (Wildproject, 2021). Traduction par Margot Lauwers.

Un des ouvrages fondateurs de l’écoféminisme publié en 1980, The Death of Nature. Women, Ecology and the Scientific Revolution analyse le passage au 16e-17e siècle de « l’image d’une Terre organique, féminine et vivante » à « une nouvelle vision du monde dans laquelle la nature est repensée comme une machine morte et passive, autorisant ainsi sa spoliation sans limite aux mains de l’homme ». La philosophe et historienne des sciences « montre que ce changement de paradigme aurait justifié non seulement la domination de la Terre, mais aussi la création d’un système socio-économique dans lequel les femmes, depuis toujours associées à l’image de la Nature, seront subjuguées aux hommes ».

Ely MERMANS, Antoine C. DUSSAULT (dir.), Protéger l’environnement. De la science à l’action (Editions Matériologiques, 2021).

« Le lien entre éthique de l’environnement et écologie est d’autant plus important que l’écologie informe et marque fortement notre connaissance, conceptualisation, valorisation et relation au monde vivant. Face aux destructions toujours plus massives et dramatiques des milieux naturels, et face à l’évolution des enjeux éthiques et sociopolitiques qui les accompagnent, ce recueil propose, à travers neuf textes inédits de philosophes, écologues et géographe, de mettre à contribution la recherche menée en écologie, en philosophie de l’écologie et en éthique de l’environnement pour y répondre ».

Johann MICHEL, Le réparable et l’irréparable. L’humain au temps du vulnérable (Hermann, 2021).

« Les sociétés occidentales connaissent un accroissement inédit des revendications en faveur des réparations. Le pari de cet ouvrage est de prendre à sa juste mesure l’historicité contemporaine de la réparation tout en la saisissant dans sa profondeur anthropologique. La réparation est un phénomène global qui ne se présente pas de manière unifiée : réparer un objet, réparer une lésion, réparer une offense, réparer un crime… Que révèle la réparation de l’être humain ? Sa vulnérabilité (naturelle), sa faillibilité (morale), son incomplétude (sociale), mais aussi l’ensemble des capacités qu’il met en œuvre pour en conjurer les effets, jusqu’à une certaine limite. L’irréparable du temps et l’irréparable de la dette hantent toute politique de réparation. Autant de défis qui se posent à une philosophie de la réparation construite dans un dialogue renouvelé avec les sciences sociales ».

Darrel MOELLENDORF, Mobilizing Hope. Climate Change and Global Poverty (Oxford University Press, 2022).

« Même si les données scientifiques ont de quoi nous rendre pessimistes, le philosophe Darrel Moellendorf montre qu’il est encore permis d’espérer une justice climatique. Pour catalyser l’espoir, il met en avant la mobilisation de masse, le progrès technique et l’utopie réaliste. (La vie des idées, 09/11/2022).

Alexandre MONNIN, Politiser le renoncement (Editions Divergences, 2023).

« L’humanité dépend pour sa survie d’une organisation sociale et d’infrastructures qui ne pourront être indéfiniment maintenues. Pour que la Terre reste habitable, il faut organiser le renoncement, pas seulement à l’échelle individuelle, mais aussi à l’échelle de ces « communs négatifs » qui composent notre cadre de vie. Le problème est qu’on ne redevient pas facilement « terrestres » à huit milliards. Ce livre propose une politique des communs négatifs qui nous permette de penser les moyens d’un détachement anticipé et non brutal pour les populations les plus fragiles ».

Baptiste MORIZOT, L’inexploré (Wildproject, 2023).

« Ce livre n’est pas un livre, c’est une carte. Et ce n’est pas une carte, c’est un atelier de cartographe, dans lequel, sous vos yeux, sont dessinées des ébauches de cartes. Et ce n’est pas un atelier, puisque nous sommes chaque fois sur le chemin : c’est le récit fait en direct des parcours d’exploration trébuchants d’un nouveau continent inexploré — qui n’est autre que la Terre vivante, mais qui a brusquement changé de nature sous nos pieds ».

Baptiste MORIZOT, Manières d’être vivant (Actes Sud, 2020).

Désormais incapables de considérer le vivant autour de nous autrement que comme un décor à notre usage, le philosophe appelle à transformer nos manières de vivre et d’habiter en commun pour réapprendre, comme société, à voir que le monde est peuplé d’entités prodigieuses, des oiseaux aux espèces végétales ou bactériennes. Des interprètes et des diplomates des interdépendances sont alors nécessaires pour traduire les comportements et relations qui tissent le vivant.

Baptiste MORIZOT, Raviver les braises du vivant. Un front commun (Actes Sud / Wildproject, 2020).

« À partir d’une enquête de terrain sur des initiatives de défense de forêts et des pratiques d’agroécologie, ce livre propose une nouvelle cartographie des alliances entre les usages de la terre qui sont des gardiens du feu. Il donne des outils critiques pour révéler au grand jour le rapport au vivant partagé par ceux qui le détruisent. Et offre un guide de négociation pour sortir des oppositions stériles entre producteurs et protecteurs. C’est un appel à faire front commun contre les vrais ennemis du vivant : toutes les forces de l’exploitation extractiviste » (Socialter, 13/10/2020).

Timothy MORTON, Être écologique (Editions Zulma, 2021). Traduction par Cécile Wajsbrot.

« Face à une avalanche de faits et de données toujours plus alarmants, n’est-il pas temps de se réaccorder à notre environnement ? En recourant à des outils et des concepts comme l’intuition, l’art, l’empathie, l’interconnectivité, ou notre héritage néandertalien, Timothy Morton nous montre comment se remettre au diapason : à notre échelle, mais aussi à celles des bactéries, de la baleine à bosse, des écosystèmes, ou de la planète. Être écologique, c’est changer de paradigme dans notre relation au monde, se libérer du déni et du désespoir ».

Arne NAESS, François YERLY-BRAULT, L’écologie profonde (Puf, 2021). Traduction par Hicham-Stéphane Afeissa.

Une présentation commentée du texte engagé du philosophe norvégien Arne Næss qui distingue l’«écologie superficielle» de l’«écologie profonde », mouvement qui incite à des changements radicaux pour sortir du modèle dominant de relations des sociétés à leurs environnements. « Il inscrit de façon novatrice les considérations écologistes dans un registre éthique et métaphysique ».

Thierry PAQUOT, Ivan Illich & la société conviviale (Le passager clandestin, 2020).

L’auteur, philosophe et urbaniste, revient sur l’œuvre du philosophe, historien, prêtre sans paroisse, enseignant nomade et polyglotte, Ivan Illich (1926–2002), figure incontournable des débats intellectuels des années 1970. Implacable critique de la société industrielle, il oppose au productivisme et au culte de la croissance un art de vivre qui entremêle sobriété, simplicité et générosité. La société conviviale dessinée par Illich cherche à garantir l’autonomie et la créativité humaines.

Corine PELLUCHON, Les Lumières à l’âge du vivant (Seuil, 2021).

« L’objectif des Lumières à l’âge du vivant et de leur projet d’une société démocratique et écologique est bien de destituer le principe de la domination — une domination des autres et de la nature à l’intérieur et à l’extérieur de soi qui traduit un mépris du corps et de la vulnérabilité ».

Corine PELLUCHON, Réparons le monde. Humains, animaux, nature (Rivages, 2020).

Ce recueil de textes de la philosophe parus au fil des ans éclaire sa démarche articulant la vulnérabilité des personnes, des animaux et de la terre. Elle compare également l’éthique du care et l’éthique de la vulnérabilité qui partagent une remise en question du statut de sujet moral individuel et de son autonomie supposée souveraine, en insistant sur la réciprocité et l’interdépendance de nos existences. Il semble cependant que ces éthiques divergent en termes de mise en œuvre politique : un contrat social est proposé dans le cadre de la vulnérabilité tandis que le care relèverait du cas par cas.

Jean-Philippe PIERRON, Je est un nous. Enquête philosophique sur nos interdépendances avec le vivant (Actes Sud, 2021).

Une enquête sur les interdépendances des humains et du vivant auprès de philosophes et penseurs de l’écologie mais aussi à la première personne. L’auteur invite à pratiquer l’écobiographie, un exercice intime et sensible d’écriture de soi à travers les liens ténus que nous entretenons avec les plantes, les animaux, les lieux, les paysages ou encore les climats, et qui nous construisent.

Jean-Philippe PIERRON, Prendre soin de la nature et des humains. Médecine, travail, écologie (Les Belles Lettres, 2019).

Le philosophe invite à une démarche d’attention au monde portée par une « anthropologie relationnelle » qui permet de penser ce soin. Cette pensée spécifique de la relation devient particulièrement nécessaire en médecine, dans le monde du travail et vis-à-vis de l’environnement. Il s’agit ainsi de porter attention aux relations humaines et aux différentes formes de vulnérabilité.

Philippe PIGNARRE, Latour-Stengers, un double-vol enchevêtré (La Découverte, 2023).

« Latour et Stengers ont le même point de départ, qui restera au centre de leurs œuvres : les pratiques scientifiques, dont notre modernité est si fière. Pourquoi nous, Modernes, nous définissons-nous comme ceux qui savent alors que les autres seraient condamnés à croire ? Cette question les a amenés à partager la même préoccupation : comment comprendre et vivre dans ce que Latour appelle le “nouveau régime climatique”, et Stengers un “temps de débâcle” ? Le but de ce livre n’est pas de rendre à chacun des auteurs ce qui lui appartient, mais au contraire de les intriquer toujours davantage ; de suivre au plus près chaque proposition faite par l’un·e et reprise par l’autre, toujours selon ses propres moyens ».

Éric POMMIER, La Démocratie environnementale. Préserver notre part de nature (PUF, 2022).

« Face aux menaces systémiques, notre époque est de plus en plus consciente de la nécessité de faire droit à un principe de responsabilité à l’égard des générations futures, de la vie et de la Terre. Mais cette prise de conscience soulève bien des difficultés. Comment peut-on représenter les intérêts des générations futures puisqu’elles ne sont pas encore nées? Et comment défendre les intérêts des vivants et de la Terre puisqu’ils ne sont pas sujets de droit ? Que penser d’un régime qui prétendrait défendre de tels intérêts au détriment des droits des sujets classiques, à savoir les hommes contemporains ? Faut-il en conclure que la nouvelle exigence éthique n’est qu’une utopie irréalisable ? Eric Pommier dépasse dans cet ouvrage ce hiatus et propose les voies d’une réconciliation grâce au concept de démocratie environnementale ».

Val PLUMWOOD, Dans l’œil du crocodile (Wildproject, 2021). Traduction par Pierre Madelin.

« En février 1985, la philosophe écologiste Val Plumwood survécut — contre toute probabilité — à une attaque de crocodile dans le parc national de Kakadu, en Australie ». A ses yeux, en s’inspirant « des récits mythologiques des Aborigènes australiens et des Égyptiens de l’Antiquité, le crocodile est un trickster, une créature qui juge sévèrement la prétention des êtres humains à s’extraire du cycle de la vie. Inachevé au moment du décès de l’autrice, ce récit est complété par quatre essais touchant à notre rapport alimentaire au vivant : sur la mort d’un wombat, sur l’ontologie végane, sur le film Babe : le cochon devenu berger, et sur la vie dans nos cimetières ».

Paul B. PRECIADO, Dysphoria Mundi (Grasset, 2022).

« Puisque mon désir de vivre en dehors des prescriptions normatives de la société binaire hétéro-patriarcale a été considéré comme une pathologie clinique caractérisée sous le vocable de « dysphorie de genre », il m’a paru intéressant de penser la situation planétaire actuelle comme une dysphorie généralisée. Dysphoria mundi : la résistance d’une grande partie des corps vivants de la planète à être subalternisés au sein d’un régime de savoir et de pouvoir patriarco-colonial ».

Olivier REMAUD, Penser comme un iceberg (Actes Sud, 2020).

« Ce livre est un éloge des vies inattendues. C’est aussi une réflexion sur la discrétion comme art de cohabiter avec des entités non humaines. La neige crisse, la banquise craque, des blocs de glace dérivent dans l’océan. On navigue en kayak, on plonge dans des eaux froides, on entend les voix de peuples autochtones. Des écosystèmes entiers surgissent d’une nature que l’on croyait vide. Les icebergs deviennent des arches biologiques et les glaciers ne sont plus des choses mais des êtres vivants, des partenaires de l’existence quotidienne dont nous dépendons intimement ».

Olivier REY, Réparer l’eau (Stock, 2021).

« Qui ignore ce qu’est l’eau ? Chacun a une connaissance intime et immédiate de cet élément frais, liquide, miroitant et irrésistiblement attiré vers le bas. Comment en sommes-nous arrivés, dès lors, à laisser cet élément premier, si présent dans notre expérience de tous les jours, si prégnant dans notre imaginaire, si riche de symbolique, être défini par la laconique formule chimique H2O ? Que perdons-nous dans cette opération ? ».

Thierry RIBAULT, Contre la résilience. À Fukushima et ailleurs (L’échappée, 2021).

« Funeste chimère promue au rang de technique thérapeutique face aux désastres en cours et à venir, la résilience érige leurs victimes en cogestionnaires de la dévastation. À la fois idéologie de l’adaptation et technologie du consentement à la réalité existante, aussi désastreuse soit-elle, la résilience constitue l’une des nombreuses impostures solutionnistes de notre époque. Cet essai, fruit d’un travail théorique et d’une enquête approfondie menés durant les dix années qui ont suivi l’accident nucléaire de Fukushima, entend prendre part à sa critique ».

Nathaniel RICH, Un monde dénaturé (Editions du sous-sol, 2023). Traduction par David Fauquemberg.

« Nous vivons une époque où des scientifiques cherchent à ressusciter des espèces éteintes, nos écosystèmes les plus essentiels nécessitent désormais des projets d’ingénierie monumentaux pour ne serait-ce que survivre, des ailes de poulet poussent dans des éprouvettes… En somme, nous vivons d’ores et déjà dans un monde où la nature a perdu. Les anciennes distinctions — entre naturel et artificiel, entre science-fiction et réalité scientifique — se sont estompées au point de perdre tout sens ».

David ROMAND, Julien BERNARD, Sylvie PIC, Jean ARNAUD, Biomorphisme. Approches sensibles et conceptuelles des formes du vivant (Coédition Naima et Aix-Marseille Université/Centre Gilles Gaston Granger, 2021).

Publication numérique, « à la fois catalogue d’une exposition et actes d’un colloque qui se sont tenus tous deux à Marseille en 2018–2019, ce livre fait le point sur les travaux d’un groupe d’artistes, de scientifiques, de philosophes et d’historiens réunis autour de l’étude des formes du vivant. Cet ouvrage, résolument transdisciplinaire et étranger à toute hiérarchisation entre les propositions artistiques et scientifiques, s’ordonne selon 5 thématiques : la morphogenèse comme champ d’étude transdisciplinaire ; les enjeux politiques et écologiques du biomorphisme ; l’empathie et l’expérience psycho-esthétique des formes du vivant ; la poétique de l’imaginaire matériel ; les métamorphoses du concept esthétique de biomorphisme. Il entend ainsi participer tant au renouveau de la pensée théorique sur le vivant qu’à une nécessaire reviviscence de notre sensibilité à ses formes, s’attachant par là-même à jeter les bases d’une « éco-esth-éthique » dans le contexte de la crise écosystémique actuelle ».

Hartmut ROSA, Rendre le monde indisponible (La Découverte, 2020). Traduction par Olivier Mannoni.

Le désastre écologique montre que la conquête de notre environnement façonne un milieu hostile. Pour le sociologue et philosophe, le fait de disposer à notre guise de la nature, des personnes et de la beauté qui nous entourent nous prive de toute résonance avec elles. Pour résoudre cette contradiction, cet essai nous engage à réinventer notre relation au monde.

Hartmut ROSA, Nathanaël WALLENHORST, Accélérons la résonance ! Pour une éducation en Anthropocène (Editions Le Pommier, 2022). Traduction par Sophie Paré et Nathanaël Wallenhorst.

Le concept de « résonance » proposé par Hartmut Rosa invite à accepter « d’entrer dans un nouveau rapport au monde, marqué par une relation « responsive » avec lui » pour « remédier à l’accélération hégémonique et réifiante du capitalisme rentier et spéculatif, qui nous condamne à la croissance et à la surchauffe ».

Deborah Bird ROSE, Le rêve du chien sauvage. Amour et extinction (La Découverte, 2020). Traduction par Fleur Courtois-L’Heureux.

L’anthropologue nous propose ici de penser, sentir et imaginer à la manière des dingos, ces chiens sauvages d’Australie cibles d’une féroce tentative d’éradication. En apprenant des pratiques aborigènes pour se connecter aux autres vivants, elle interroge l’amour, cette capacité de répondre à l’autre, cette responsabilité : que devient-il quand il s’adresse à tous les terrestres ? Elle fait sentir que le non-humain continue d’insister silencieusement et que cet appel, perçu par Lévinas dans les yeux d’un chien rencontré dans un camp de prisonniers en Allemagne nazie, n’en a pas fini de nous saisir et de nous transformer.

Éric SADIN, Faire sécession. Une politique de nous-mêmes (L’Échappée, 2021).

Avec « l’agonie du néolibéralisme », « nous nous mettons à espérer un monde plus juste qui adviendrait grâce au retour de l’État providence, à la prise en compte des questions écologiques et à une participation citoyenne accrue. Or, rien de cela ne nous sauvera du pouvoir des algorithmes, de la marchandisation intégrale de nos vies par l’industrie numérique, ou du déploiement d’une télésocialité contribuant à notre « isolement collectif ». Autant de processus qui engendrent de nouveaux types d’assujettissement. Ce livre renouvelle les perspectives d’émancipation, en dressant un registre d’actions concrètes. Cela suppose de constituer un foisonnement de collectifs — dans tous les domaines de la vie — favorisant l’expérimentation, la meilleure expression de chacun, tout en étant soucieux de ne léser ni personne, ni la biosphère ».

Marshall SAHLINS, The New Science of the Enchanted Universe, An Anthropology of Most of Humanity (Princeton University Press, 2022).

« Du point de vue de la modernité occidentale, l’humanité habite un cosmos désenchanté. Les dieux, les esprits et les ancêtres nous ont quittés pour un au-delà transcendant, ils ne vivent plus au milieu de nous et ne sont plus impliqués dans toutes les questions de la vie quotidienne, des plus banales aux plus graves. Pourtant, la grande majorité des cultures qui ont traversé l’histoire de l’humanité traitent les esprits comme des personnes bien réelles, des membres d’une société cosmique qui interagissent avec les humains et contrôlent leur destin. Dans la plupart des cultures, même aujourd’hui, les hommes ne sont qu’une petite partie d’un univers enchanté interprété de façon erronée par les catégories transcendantes de la « religion » et du « surnaturel ». L’ouvrage montre comment les anthropologues et autres spécialistes des sciences sociales doivent repenser ces cultures de l’immanence et les étudier selon leurs propres lumières ».

María Grace SALAMANCA GONZALEZ, Esthétiques du “care” pour l’Anthropocène (Coédition École urbaine de Lyon, Cité anthropocène et Éditions deux-cent-cinq, 2023).

« À partir d’une lecture des crises des éthiques du “care”, cette analyse explore l’hypothèse que l’Anthropocène repose sur une dimension sensible et morale; que notre manière de désirer, d’imaginer, et de rêver est aussi façonnée de manière anthropocénique, tant au niveau individuel qu’au niveau collectif. Les esthétiques du “care” sont ici présentées comme des alternatives pratiquées dans le Sud global pour débattre des imaginaires auxquels nous nous référons pour sentir-penser les crises. Elles sont tout à la fois un concept et une pratique incarnée. Ces pages ouvrent une option décoloniale pour interpréter les crises et des possibles voies d’action ».

Fabian SCHEIDLER, La Fin de la mégamachine. Sur les traces d’une civilisation en voie d’effondrement (Seuil, 2020). Traduction par Aurélien Berlan.

« Énorme succès à l’étranger, ce livre haletant nous offre enfin la clé de compréhension des désastres climatiques, écologiques, pandémiques et économiques contemporains. Accuser Sapiens, un humain indifférencié et fautif depuis toujours, est une imposture. Notre histoire est sociale : c’est celle des structures de domination nées il y a cinq mille ans, et renforcées depuis cinq siècles de capitalisme, qui ont constitué un engrenage destructeur de la Terre et de l’avenir de l’humanité, une mégamachine ».

Isabelle STENGERS, Réactiver le sens commun. Lecture de Whitehead en temps de débâcle (La Découverte, 2020).

La philosophe problématise la « défaite du sens commun » : face à un « public » qui contemple en spectateur, les « experts » sont placés dans le rôle de « ceux qui savent » et sont donc les seuls aptes à prendre des décisions. Elle propose de « faire sens en commun » de nouveau.

Charles STEPANOFF, L’animal et la mort. Chasses, modernité et crise du sauvage (La Découverte, 2021).

« La modernité a divisé les animaux entre ceux qui sont dignes d’être protégés et aimés et ceux qui servent de matière première à l’industrie. Parce qu’elle précède cette alternative et continue de la troubler, la chasse offre un point d’observation exceptionnel pour interroger nos rapports contradictoires au vivant en pleine crise écologique ». L’anthropologue propose une approche comparative qui « convoque préhistoire, histoire, philosophie et ethnologie des peuples chasseurs et dévoile les origines sauvages de la souveraineté politique » pour éclairer « d’un jour nouveau les fondements anthropologiques et écologiques de la violence exercée sur le vivant ».

Charles STEPANOFF, Voyager dans l’invisible. Techniques chamaniques de l’imagination (La Découverte, 2019).

L’ethnologue explore « les techniques chamaniques du Grand Nord européen et asiatique » et « mène une réflexion vertigineuse sur la façon dont les modernes, en réduisant le réel au visible, se sont privés de pans entiers des fonctions imaginatives » (Médiapart, 02/08/2020).

Thomas SUDDENDORF, Jon REDSHAW, Adam BULLEY, The Invention of Tomorrow. A Natural History of Foresight (Basic Books, 2022).

« Notre capacité à penser l’avenir est l’un des outils les plus puissants dont nous disposons. Dans cet ouvrage, les chercheurs en sciences cognitives Thomas Suddendorf, Jonathan Redshaw et Adam Bulley affirment que l’émergence de cette capacité a transformé les humains, qui sont passés du statut de primates anodins à celui de créatures qui tiennent le destin de la planète entre leurs mains ».

James SUZMAN, Travailler. La grande affaire de l’humanité (Flammarion, 2021). Traduction par Marie-Anne de Béru.

L’auteur « propose une nouvelle histoire du travail et déconstruit nos représentations ordinaires en s’appuyant sur vingt-cinq ans de recherches, à l’interface entre les tribus de chasseurs-cueilleurs, les premières sociétés agricoles et le monde industrialisé. Il révèle comment les révolutions technologiques successives ont déformé notre conception de l’effort et de la récompense, engendrant une série de problèmes sociaux, économiques et environnementaux ».

Jacques TASSIN, Pour une écologie du sensible (Odile Jacob, 2020).

Le chercheur en écologie végétale invite à fonder une écologie du sensible qui s’extraie de la vision mécaniste du vivant héritée des Lumières. Commençons par engager nos sens, par retrouver le plaisir du contact avec les plantes et les animaux pour éprouver la proximité du vivant et l’appréhender dans sa continuité.

Michael TAUSSIG, Palma africana (Editions B42, 2021). Traduction par Marc Saint-Upéry.

« L’anthropologue explore la production d’huile de palme en Colombie. Alors que cette dernière envahit tout, des chips au vernis à ongles, l’auteur examine les conséquences écologiques, politiques et sociales de cette exploitation. Bien que la liste des horreurs induites par la culture du palmier à huile soit longue, nos terminologies habituelles ne permettent plus de rendre compte des réalités qu’elles décrivent. À travers cette déambulation anthropo-poétique au cœur des marécages colombiens, c’est donc la question du langage que l’auteur interroge ».

Michael Charles TOBIAS, Jane Gray MORRISON, On the Nature of Ecological Paradox (Springer, 2021).

Une analyse philosophique de la dualité de l’humanité : homo sapiens est à la fois une espèce au sein de la biosphère et le soi-disant “intendant” de cet enchevêtrement de systèmes écologiques. Mais ce double rôle est en train de s’effondrer. L’ouvrage bouscule rudement l’affirmation historique de la supériorité humaine sur les autres formes de vie.

Anna L. TSING, Proliférations (Wildproject, 2022). Traduction par Marin Schaffner.

« La prolifération comme condition écologique et anthropologique contemporaine — une clef pour comprendre l’état du monde. Maladies émergentes, extinctions, plantes invasives : dans les « ruines du capitalisme », une foule de vivants se met à habiter les écosystèmes de façon troublante ».

Anna L. TSING, « Vers une théorie de la non-scalabilité », Multitudes (n°82, 2021). Traduction par Louise Julien.

La modernité coloniale s’est constituée autour d’une foi en la scalabilité de la production. De ce concept découle toute l’idéologie d’expansion des sociétés contemporaines. À travers cet article, l’anthropologue démontre la façon dont la « scalabilité » constitue un potentiel précepte de destruction de la nature, du bien-être humain ainsi qu’une entrave à l’expérimentation de nouvelles relations et de nouveaux collectifs. Elle plaide pour une théorie de la non-scalabilité rompant avec le culte de la croissance et de la performance, pour se diriger vers les frictions, les rencontres, la diversité, les expérimentations.

Anna L. TSING, Friction. Délires et faux-semblants de la globalité (La Découverte, 2020). Traduction par Philippe Pignarre et Isabelle Stengers.

« Friction : que se passe-t-il dans les « zones-frontières » où se développe une économie sauvage, ravageant les ressources, les plantes, les animaux, les forêts et les cultures humaines ? […] Friction : comment entendre le cri de tous ceux et celles — humains et non-humains — qui disparaissent dans un maelstrom de destructions où la forêt laisse place à des plantations de palmiers à huile ? Comment apprendre à regarder une forêt que l’on croyait sauvage comme un espace social, habité ? […] Avec Anna Tsing, il faut apprendre à mettre en suspens nos routines perceptives et nos jugements normatifs, apprendre à sentir et ressentir, à développer une culture de l’attention, apprendre avec ce qui la fait hésiter, avec ce qui l’oblige à multiplier les manières de raconter, les méthodes ethnographiques ».

Anna L. TSING, Jennifer DEGER, Alder KELEMAN SAXENA, Feifei ZHOU (dir.), Feral Atlas. The More-Than-Human Anthropocene (Stanford Press, 2020).

Une exploration de l’Anthropocène perçu à travers la féralisation (le retour à l’état sauvage) d’écosystèmes favorisés au départ par des infrastructures humaines, et qui ont prospéré en dehors de tout contrôle humain. Le projet rassemble 79 enquêtes de terrain de scientifiques, d’humanistes et d’artistes.

Thom VAN DOOREN, Matthew CHRULEW (dir.), Kin. Thinking with Deborah Bird Rose (Duke University Press, 2022).

Une réflexion à partir des recherches de l’anthropologue Deborah Bird Rose pour examiner les relations d’interdépendance et d’obligation entre les vies humaines et non humaines. Engagée pendant plusieurs décennies avec les communautés aborigènes de Yarralin et Lingara dans le nord de l’Australie, « Rose a exploré les possibilités de formes enchevêtrées de justice sociale et environnementale. Elle a cherché à faire dialoguer les idées de ses professeurs indigènes avec les sciences humaines et naturelles afin de décrire et de défendre avec passion un monde de parenté fondé sur un sens profond des liens et des relations qui nous unissent ».

Jean VIOULAC, Métaphysique de l’Anthropocène, 1. Nihilisme et totalitarisme (PUF, 2023).

« Le concept d’Anthropocène s’est aujourd’hui imposé pour désigner une époque au cours de laquelle l’humanité est devenue une puissance globale en mesure d’affecter l’écosystème terrestre. Ce concept requiert une anthropologie philosophique, qui définit l’essence de l’homme par la négativité, pour concevoir son histoire comme un événement métaphysique en lequel un être s’oppose à la nature pour y mettre en œuvre un processus de dénaturation qui s’avère annihilation ».

Jean-Baptiste VUILLEROD, Theodor W. Adorno. La domination de la nature (Éditions Amsterdam, 2021).

L’ouvrage propose à la fois une introduction à la pensée de Theodor W. Adorno — « l’un des principaux représentants de la première génération de l’École de Francfort » — « et une actualisation de celle-ci au prisme des débats contemporains en écologie politique. Le thème de la domination de la nature permet de tracer une transversale dans l’ensemble de la philosophie adornienne, des textes de jeunesse aux écrits de la maturité, tout en l’ouvrant aux enjeux de la crise écologique. La thèse principale du livre est que le motif de la domination de la nature permet de penser dans un cadre commun l’exploitation du travail, le patriarcat, le racisme, le spécisme et les diverses formes de destruction environnementale. La philosophie d’Adorno peut alors être lue comme une critique systématique des sociétés capitalistes ».

Joëlle ZASK, Se tenir quelque part sur la Terre. Comment parler des lieux qu’on aime (Premier Parallèle, 2023).

« Nous portons tous en nous des lieux auxquels nous sommes singulièrement reliés — des lieux qu’on aime. Pour parler de cette géographie intime, nous avons souvent recours au registre de l’identité, des racines, de l’appartenance. À quoi s’oppose l’idée qu’on pourrait être « de nulle part ». Nous rejouons ainsi une alternative bien connue : d’un côté, l’idéal d’une osmose entre les humains et leur lieu de vie ; de l’autre, l’idéal de femmes et d’hommes sans attaches, ayant le monde à disposition. Or, s’il est absolument nécessaire de proscrire un vocabulaire dont se nourrissent les mouvements d’ultradroite, il est tout aussi urgent de reconnaître l’importance, pour chacun, de son lieu de vie. Car mépriser cette relation, c’est nourrir la frustration qui fait le lit des positions politiques extrêmes. Et abstraire la citoyenneté de tout contexte, c’est risquer de toujours plus négliger notre environnement ».

Joëlle ZASK, Face à une bête sauvage (Premier Parallèle, 2021).

« Face à une bête sauvage, nous réalisons l’étendue de notre ignorance. Nous faisons la brutale expérience de notre propre appartenance au monde animal et de la faiblesse de notre espèce, qui n’inspire naturellement ni terreur ni crainte. Avec ce guide à la fois informé et amusant, Joëlle Zask ne nous propose pas seulement de nous prémunir contre une morsure ou un coup de griffe. Elle nous invite à faire connaissance avec les autres animaux de la nature et à remettre en question la place que nous accordons aux humains parmi eux ».

Joëlle ZASK, Quand la forêt brûle. Penser la nouvelle catastrophe écologique (Premier Parallèle, 2019).

Bienvenue dans le Pyrocène ! La philosophe s’empare de l’objet « mégafeu » pour penser la catastrophe écologique. Symptôme d’une société malade, les mégafeux illustrent l’impasse de notre rapport à la nature : une nature à la fois idéalisée, sanctuarisée et que l’on veut dominer jusqu’à la détruire.

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berenice gagne
Anthropocene 2050

Vigie du changement global, je vois l’Anthropocène partout. Un œil sur le Capitalocène, l'Urbanocène & le Plantationocène