SANTÉ

berenice gagne
Anthropocene 2050
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6 min readAug 27, 2023

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LECTURES ANTHROPOCÈNES #2019-2023

Parcs à bestiaux attenant aux abattoirs de Chicago (vers 1947) © US Information Agency

Gil BARTHOLEYNS, Le hantement du monde. Essai sur le pathocène (Editions Dehors, 2021).

Le Pathocène, une ère de vulnérabilité : l’historien analyse notre monde hanté par la peur de la maladie et submergé par l’émotion face à la perte de l’habitabilité de la planète et à l’érosion de la biodiversité. Il remonte la généalogie des activités générant ce rapport obsessionnel aux maladies et aux émotions : élevage industriel, traite des animaux sauvages, fracturation des habitats naturels etc. et propose des remèdes pour soigner le vivant et cohabiter.

Renaud BECOT, Gwenola LE NAOUR (dir.), Vivre et lutter dans un monde toxique. Violence environnementale et santé à l’âge du pétrole (Seuil, 2023).

Pour en finir avec les success stories pétrolières, voici une histoire des territoires sacrifiés à la transformation des hydrocarbures. Elle éclaire, à partir de sources nouvelles, les dégâts et les luttes pour la santé au XXe siècle, du Japon au Canada, parmi les travailleurs et travailleuses des enclaves industrielles italiennes (Tarento, Sardaigne, Sicile), auprès des pêcheurs et des paysans des « Trente Ravageuses » (la zone de Fos / l’étang de Berre, le bassin gazier de Lacq), ou encore au sein des Premières Nations américaines et des minorités frappées par les inégalités environnementales en Louisiane. Ces différents espaces nous racontent une histoire commune : celle de populations délégitimées, dont les plaintes sont systématiquement disqualifiées, car perçues comme non scientifiques. Cependant, elles sont parvenues à mobiliser et à produire des savoirs pour contester les stratégies entrepreneuriales menaçant leurs lieux de vie. Ce livre expose ainsi la tension sociale qui règne entre défense des milieux de vie et profits économiques, entre santé et emploi, entre logiques de subsistance et logiques de pétrolisation ».

Irus BRAVERMAN (dir.), More-than-One Health. Humans, Animals, and the Environment Post-COVID (Routledge, 2023).

« Cet ouvrage collectif étudie les interconnexions complexes entre la santé humaine, animale et environnementale. Il réunit des spécialistes des sciences humaines, des sciences sociales, des sciences naturelles et de la médecine afin d’explorer les approches One Health existantes et d’envisager une approche de la santé à la fois plus qu’humaine, plus sensible et plus explicite à l’égard des héritages coloniaux et néocoloniaux ».

Mike DAVIS, Le monstre est parmi nous. Pandémies et autres fléaux du capitalisme (Editions Divergences, 2021). Traduction par Léa Nicolas-Teboul.

« La pandémie de coronavirus, loin d’être un événement isolé, s’inscrit dans une série qui a toutes les chances de se poursuivre. D’un côté, l’élevage industriel, la déforestation massive et l’industrie du fast-food créent les conditions idéales pour la transmission inter-espèces de nouveaux virus. De l’autre côté, les systèmes de santé font les frais de plusieurs décennies de coupes budgétaires. En replaçant la pandémie de Covid-19 dans le contexte des catastrophes virales antérieures, notamment de la grippe espagnole et de la grippe aviaire H5N1, l’auteur retrace les manquements des gouvernements, expose les effets de la restructuration néolibérale sur les risques épidémiques, et montre comment l’appât du gain freine la recherche et la prévention ».

Howard FRUMKIN, Samuel MYERS (dir.), Santé Planétaire. Soigner le vivant pour soigner notre santé (Rue de l’Echiquier, 2022). Traduction par Marianne Bouvier et Cécile Giroldi.

« La santé humaine dépend de la santé de la planète : le bon état des systèmes naturels — l’air, l’eau, la biodiversité, le climat — est indispensable à notre survie. Cet ouvrage est une porte d’entrée optimiste et accessible pour découvrir le concept de santé planétaire qui prend de plus en plus d’ampleur, en particulier depuis la crise de la Covid-19. Grâce à une approche interdisciplinaire, les auteurs analysent les nombreux impacts de l’Anthropocène sur la santé, notamment en matière d’alimentation et de nutrition, d’infections, de maladies non transmissibles ou de santé mentale. Ils défendent une nouvelle éthique, où toutes les actions humaines s’aligneraient sur la nécessité de prendre soin du vivant afin de lutter contre les changements environnementaux et leurs effets néfastes ».

Sébastien GARDON, Amandine GAUTIER, Gwenola LE NAOUR, Serge MORAND (dir.), Sortir des crises. One Health en pratiques (Quae, 2022).

« En associant plusieurs disciplines — philosophie, anthropologie, sciences politiques, sociologie, économie, géographie, écologie, sciences médicale et vétérinaire, etc. — et à partir de nombreux exemples de terrain, du local à l’international, l’ouvrage présente à la fois une lecture des enjeux et des problèmes sanitaires dans un monde globalisé, des retours d’expérience de gestion de crise, des innovations dans la gestion du sanitaire s’appuyant sur le social et sur les communautés, mais également une mise en discussion des normes et des régulations à tous les niveaux politiques ».

Jean-Paul GAUDILLIERE, Caroline IZAMBERT, Pierre-André JUVEN, Pandémopolitique. Réinventer la santé en commun (La Découverte, 2021).

« La crise du SARS-CoV-2 a montré que le triage clinique n’était qu’une des dimensions et conséquences d’un triage systémique façonné par les politiques néolibérales et une technocratie sanitaire qui a, de longue date, négligé la santé publique. L’essentiel n’est donc pas tant de savoir si nous trions ou pas que de choisir collectivement les modalités du triage et de définir démocratiquement les priorités de notre système de santé. Des expériences alternatives se rappellent à nous et dessinent des horizons différents, du renouveau de la santé communautaire aux potentialités des communs, en passant par l’émergence d’un triage écologique ».

Frédéric KECK, Signaux d’alerte. Contagion virale, justice sociale, crises environnementales (Desclée de Brouwer, 2020).

L’anthropologue analyse la réception des signaux d’alerte de plus en plus nombreux sur les catastrophes écologiques en cours. Leur valeur se mesure à « l’attractivité du signal, c’est-à-dire sa capacité à susciter l’attention et l’intérêt de ceux qui le reçoivent ». En s’appuyant sur une étude des sentinelles des pandémies dans les sociétés asiatiques, il compare le comportement des territoires qui émettent des signaux d’alerte à celui des oiseaux qui collaborent pour alerter sur la présence d’un prédateur. Il pointe ainsi la possibilité d’une nouvelle forme de solidarité globale et de justice sociale.

Frédéric KECK, Les Sentinelles des pandémies. Chasseurs de virus et observateurs d’oiseaux aux frontières de la Chine (Zones sensibles, 2020).

L’anthropologue montre comment les « chasseurs de virus » et les responsables de la santé publique s’allient avec les vétérinaires et les observateurs d’oiseaux pour suivre les mutations des virus de grippe entre les oiseaux sauvages, les volailles domestiques et les humains. Par les méthodes de l’anthropologie sociale, en s’appuyant sur une recherche ethnographique conduite à Hong Kong, Taiwan et Singapour entre 2007 et 2013, il décrit la manière dont les techniques de préparation en vue d’une pandémie transforment les relations entre humains et non-humains dans le temps long de l’Anthropocène.

Claire RICHARD, Louise DRULHE, La santé communautaire : une autre politique du soin (369 éditions, 2023).

« Face à un système de santé public débordé, en manque chronique de moyens et qui renforce les inégalités sociales, des déserteur·ses de la médecine classique expérimentent une autre voie et ouvrent des centres de santé communautaire en France. Implanté dans un quartier populaire d’Échirolles, près de Grenoble, le Village 2 santé pratique une approche politique de la santé et montre que l’on peut soigner autrement. Il invente depuis 2016 un modèle de santé à la fois réaliste et alternatif, plus juste, qui prend en compte les conditions d’existence et le vécu des patient·es, tout en les autonomisant ».

Marie-Monique ROBIN, avec la collaboration de Serge MORAND, La fabrique des pandémies. Préserver la biodiversité, un impératif pour la santé planétaire (La découverte, 2021).

« Depuis les années 2000, des centaines de scientifiques tirent la sonnette d’alarme : les activités humaines, en précipitant l’effondrement de la biodiversité, ont créé les conditions d’une « épidémie de pandémies ». C’est ce que montre cet essai, mobilisant de nombreux travaux et des entretiens inédits avec plus de 60 chercheurs du monde entier. Le constat est sans appel : la destruction des écosystèmes par la déforestation, l’urbanisation, l’agriculture industrielle et la globalisation économique menace directement la santé planétaire ».

Simon SCHAMA, Foreign Bodies. Pandemics, Vaccines and the Health of Nations (Simon & Schuster, 2023).

« Des villes et des pays plongés dans la panique et la mort, en quête désespérée de vaccins mais effrayés par ce que cette vaccination peut engendrer. C’est ce que le monde vient de vivre avec le Covid-19. Mais comme le montre Simon Schama dans son histoire épique de l’humanité vulnérable prise entre la terreur de la contagion et l’ingéniosité de la science, cela s’est déjà produit auparavant ».

Jean-David ZEITOUN, Le Suicide de l’espèce. Comment les activités humaines produisent de plus en plus de maladies (Denoël, 2023).

« Ce livre est une tentative d’explication d’une anomalie de masse : la société mondiale produit de plus en plus de maladies, tout en dépensant toujours avantage pour essayer de les traiter. La réponse courte à cette contradiction est que les risques environnementaux, comportementaux et métaboliques qui causent les maladies sont des conséquences de la croissance économique ».

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berenice gagne
Anthropocene 2050

Vigie du changement global, je vois l’Anthropocène partout. Un œil sur le Capitalocène, l'Urbanocène & le Plantationocène